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La surveillance est renforcée

L’Etat de Vaud hausse le ton. Le canton appelle la Confédération à décréter des mesures plus strictes.
La surveillance est renforcée
Sur les bords du lac à Lausanne, la police a de la peine à faire respecter les règles édictées par les autorités. KEYSTONE
Confinement

Face à l’aggravation de la situation due au coronavirus, le canton de Vaud renforce son dispositif de surveillance. Il appelle la Confédération à décréter des mesures plus radicales encore. Un dispositif de soutien de 150 millions de francs à l’économie est avancé. Chantiers et activités industrielles doivent cesser si les mesures de protection ne sont pas respectées.

«Le Gouvernement vaudois implore les plus vulnérables à rester confinés», a lancé hier, très émue, la présidente du Conseil d’Etat Nuria Gorrite. «L’heure est grave, mais nous sommes déterminés» à prendre toutes les décisions pour protéger les familles, les enfants, comme les femmes battues particulièrement menacées par le confinement. «L’heure est aussi à la confiance et à la responsabilité», a-t-elle ajouté lors de sa rencontre avec la presse.

D’une seule voix

Avec l’état de situation exceptionnelle, la Confédération a repris la main. Le canton de Vaud salue «cette détermination», mais demande toutefois d’aller plus loin en constatant «malheureusement» que les mesures édictées ne sont toujours pas pleinement respectées. Le gouvernement lance ainsi «un appel solennel et urgent aux autorités fédérales»: il faut décider «des mesures plus strictes de confinement sur tout le territoire». La demande vaudoise est soutenue par les autres cantons romands, a précisé la présidente.

«Les mesures sont sévères, mais il faut tout entreprendre pour préserver le système de santé», menacé par la pandémie. Les gens vulnérables continuent de sortir, ils n’hésitent pas à s’agglutiner alors que les consignes de distance entre les individus sont claires. Dans des parcs par exemple, les parents, qui surveillent leurs enfants, sont toujours regroupés, ce qui constitue un danger.

Le Gouvernement vaudois utilise en conséquence sa marge de manœuvre pour renforcer le dispositif sur son territoire qui est entré en vigueur hier soir à 18 heures et qui restera valable jusqu’au 19 avril. S’il veut encore «convaincre», il annonce néanmoins des contrôles et que les contrevenants pourront être amendés de 20’000 francs, voire de 50’000 francs en cas de récidive. Les rassemblements privés sont limités à 10 personnes, voire 5 dans les parcs, jardins publics et aires de jeux.

Courbe exponentielle

L’ensemble de ces mesures découle du constat que l’épidémie de coronavirus est loin de fléchir. Au contraire, a martelé le médecin cantonal Karim Boubaker. La courbe des personnes touchées est «exponentielle. Nous avions 5 personnes aux soins intensifs, ils sont 35 aujourd’hui.» Les personnes touchées sont en majorité des hommes, de 70 ans en moyenne. Mais un quart ne présentait «aucun facteur de risques». Alors qu’une centaine de personnes étaient hospitalisées mercredi, elles sont 117 jeudi.

En Suisse, ce sont entre 500 et 1000 nouveaux cas de personnes positives qui sont enregistrés chaque jour. Sur la question du dépistage, le médecin cantonal a relevé que Vaud était «assez large» dans sa pratique, ce qui explique peut-être pourquoi il est un des cantons les plus touchés, selon le classement diffusé.

Le médecin cantonal a souligné l’importance également de la santé psychique dans cette période d’incertitudes fortes et de confinement de la population. Il a relevé «une augmentation des signalements de cette problématique». Pour les familles en conflit ou subissant la violence domestique, des solutions d’éloignement des auteurs sont mises en œuvre.

Inquiétude à la Poste

L’un travaille au guichet et s’inquiète qu’un seul désinfectant soit à la disposition de tout le personnel. Un autre de servir des clients malades. «Une personne avait de la fièvre et de la toux! Je vis avec ma maman très âgée et je n’aimerais pas lui transmettre le virus.» Ces témoignages sont ceux des employés de la Poste. Des conditions de travail qui mettent en danger la santé des collaborateurs, estime le syndicat Syndicom.

«Le manque de gel, de masques, de cloisons vitrées et des contacts réguliers avec la clientèle font que ces employés sont très exposés», soutient le syndicaliste vaudois Dominique Gigon. En moyenne, un facteur croise la route d’une centaine de personnes par jour, affirme un collaborateur de la Poste travaillant à Lausanne. «Nous ouvrons les portes d’immeubles, les boîtes aux lettres, appuyons sur les sonnettes. Des surfaces qui peuvent contenir le virus.»

Actuellement, dans sa filiale, les équipes fonctionnent en deux tournées. La première débute à 6 h, la suivante à 9 h, afin de ne pas regrouper tous les employés dans une même pièce. «Reste qu’on est facilement une quinzaine, même si nous sommes espacés», déplore-t-il. La Poste aurait envoyé une directive interne demandant à son personnel de respecter les mesures d’hygiène et donnant le droit aux employés de signer à la place des clients qui refusent d’ouvrir la porte pour les recommandés. Ils peuvent inscrire «corona» sur leur machine et déposer les lettres dans la boîte. «C’est une énorme pression et une énorme responsabilité. Comment fait-on s’il y a un litige?» interroge le facteur. Il admet toutefois que le refus de signature des clients est la meilleure manière de protéger leur facteur.

Syndicom demande au Conseil fédéral de suspendre les délais qui annuleraient la nécessité de distribuer les recommandés. Il exige aussi de la Poste de garantir un matériel de protection à chaque employé. «Elle doit aussi s’engager à identifier les personnes vulnérables et les renvoyer chez elles sans conséquence salariale», martèle Dominique Gigon. Des congés pour parents sans solution de garde sont aussi demandés.

Contacté, le géant jaune assure que le «bien être de ses employés est sa première priorité» et qu’il travaille «d’arrache-pied pour trouver des solutions». Parmi les actions menées, la Poste a fait fabriquer des parois en plexiglas qui seront livrées dans tous les offices qui ont des guichets ouverts. Elle assure avoir livré du gel désinfectant sur 290 sites. Elle continue l’approvisionnement, tout en reconnaissant qu’elle aurait dû faire des réserves. Pour les semaines à venir, 4 tonnes de produit désinfectant seront à la disposition du personnel. Les livraisons et colis prendront plus de temps afin que les équipes puissent travailler en plus petits groupes pour la préparation des tournées.