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Parole du poète

La gauche et les syndicats fêtaient le 5 mars la rénovation de l’aile sud de la Maison du peuple, à Lausanne, dans la salle qui porte le nom de Jean Villard-Gilles. En hommage au poète et chansonnier vaudois, Pierre Aguet propose une réflexion de Gilles sur le socialisme.
Vaud

Il y a juste cinquante ans, je créais le secrétariat du Parti socialiste vaudois. Je demandais à Jean Villard-Gilles de me dire son sentiment relatif à la gauche en général et au socialisme en particulier, en précisant qu’en cas de réponse, je la publierais. Un demi-siècle plus tard, il est intéressant de se souvenir de ce qu’en disait Gilles, notre grand poète:

«…Je n’ai jamais appartenu à un parti, et si mon cœur est à gauche, bien sûr, il me semble pourtant que la profonde mutation dans laquelle le monde est engagé remet tout en cause. C’est le cas des partis politiques, non leur existence nécessaire, mais dans leur réaction face à la sourde violence du capitalisme qui fait, lui aussi, du ‘social’ comme Hitler quand, pour conquérir la classe ouvrière, il lui fabriquait des théories progressistes et des Volkswagen!

…Certes, le capitalisme a du plomb dans l’aile et le problème des monnaies qui l’agite fait apparaître au grand jour ce qu’il est réellement, à savoir une foire d’empoigne sordide, une jungle féroce dans laquelle tous les coups sont permis. Mais il tient tout, jusqu’aux gouvernements, par le pouvoir invincible de l’argent.

Les événements de mai 68 l’ont secoué, terrifié, mais, comme au temps du front populaire, il s’est vite ressaisi et le veau d’or est encore debout. La révolution? Un beau rêve mais qui finit toujours mal. Il y a toujours au bout un Napoléon, un Staline, un Hitler, un Franco. Alors, reste le socialisme, un vrai socialisme avant tout soucieux de justice, de liberté, de dignité de l’homme, et capable de vider ces deux mamelles de la tyrannie qui ont nom Bureaucratie et Régime policier.

… Et la classe moyenne, cette majorité silencieuse, accrochée à l’ordre moral, mûre pour le fascisme, comment l’arracher à son minable embourgeoisement pour l’amener au socialisme?… Je crois qu’au milieu du pesant matérialisme de notre époque, le socialisme, sans négliger bien sûr les problèmes quotidiens, doit mettre l’accent sur l’esprit dont le souffle peut rendre vie au verbe, devenu verbalisme, sur la qualité de la vie, qui, je le crois, est de plus en plus la grande aspiration des peuples.»

Gilles a bien mérité que les militants de la gauche vaudoise lui rendent hommage. Mais que gardons-nous de lui en dehors de la très célèbre Venoge?

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