Édito

Le virus de la mondia­lisation

Le Virus de la mondia­lisation
Le coronavirus grippe la machine industrielle chinoise. Keystone
Epidémie

L’épidémie du coronavirus (ou covid-19), débutée à la mi-décembre 2019 en Chine, a fait une irruption soudaine en Italie voisine ce week-end. Provoquant ce début de panique si caractéristique des crises surmédiatisées. Sans minimiser le risque réel que fait peser cette sévère pneumonie ni mépriser le drame de ceux qui en ont payé le prix fort, il faut admettre que cette crise sanitaire virologique demeure encore modeste au regard d’autres plaies à causalité humaine telles que la faim, le manque de soins ou la pollution.

En deux mois de transmissions interhumaines, la maladie n’a cessé de jouer les révélateurs. D’abord éclairant nos fantasmes, devant ce nouveau péril asiatique. Puis nos différences culturelles et politiques, quand nous observons mi-rassurés, mi-consternés les mesures radicales prises par Pekin à l’égard de centaines de millions de Chinois, alors que nos pays peinent à contrôler quelques aéroports.

Eclairante, également, la panique qui commence à se répandre dans des économies occidentales, prenant conscience de leur extrême dépendance à la Chine et plus largement à la mondialisation. Lorsqu’une automobile comprend des pièces produites dans une trentaine de pays – le double pour un smartphone –, lorsque certains composants, certains produits ne sont plus fabriqués que dans un seul pays, voire une seule région, le système en place est non seulement socialement et écologiquement absurde, il est aussi d’une fragilité absolue. Ajoutez à cela une idéologie du «just in time» qui bannit tout stock, et vous avez un roi nu, sans autre ressource que de prier pour la fin rapide de l’épidémie. Et d’implorer qu’elle ne soit pas trop virulente ni contagieuse, puisque la plupart des médicaments que nous consommons sont composés de principes actifs réalisés en… Chine!

Frappante enfin, l’information publiée mercredi dernier par le site réputé Carbon Brief, selon lequel la baisse de la production et des exportations chinoises ainsi que les restrictions dans les transports auraient provoqué une baisse d’environ 7% du gaz carbonique (CO2) émis dans le monde! Au niveau chinois, on estime que le taux de dioxyde d’azote (NO2) dans l’air a chuté d’un tiers, voire de moitié, selon les lieux, et celui des particules fines de 60%. Pas négligeable lorsque l’on sait que 4000 Chinois meurent chaque jour de l’air vicié qu’il leur faut respirer pour que nous puissions consommer à bon prix. D’ici à déclarer le coronavirus bon pour la santé publique, il y a un pas que nous ne franchirons évidemment pas. Mais l’on se demandera si le virus de la mondialisation, lui, ne mériterait pas également davantage de prévention et notre société, une cure des plus sévères.

 

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