Édito

Non à un chèque en blanc

Non à un chèque en blanc
Un Airbus Eurofighter en démonstration à Payerne en avril dernier. KEYSTONE
Avions de combat

En 2014, le peuple suisse avait refusé par 53% des votants de dépenser 3,1 milliards de francs pour acheter des avions de chasse Gripen; qu’à cela ne tienne, le parlement suisse a voté lors de sa session d’hiver une enveloppe de 6 milliards de francs pour acquérir de nouveaux avions de combat.

Lesquels? On ne sait pas. Faites-nous confiance, on fera nos emplettes avec tout le discernement coutumier aux responsables des achats militaires. Et bien, cela tombe mal. On ne leur confierait pas l’achat d’une brouette. Ils seraient capables d’exploser les coûts.

Le tout pour une utilité discutable. La Suisse a-t-elle vraiment besoin d’engins dernier cri pour défendre son espace aérien contre ses si belliqueux voisins? Poser la question, c’est y répondre. C’est comme si la police s’équipait de Lamborghini pour pourchasser des chauffards, a résumé Priska Seiler-Graf, députée PS au National. Sans oublier la propension de ne faire voler ses avions qu’aux heures de bureaux. Pour les quelque 40 missions annuelles réellement nécessaires, les FA-18 actuels feront tout à fait l’affaire. Et pour le reste, la Suisse n’a de toute façon pas la possibilité de régater dans cette douteuse compétition aux armements digne de la Guerre des étoiles.

A l’arrivée, une fois les frais d’entretien, de mise à niveau et de carburant comptabilisés, la facture finale, sur la durée d’utilisation des coûteux engins, sera d’ailleurs plus proche des 24 milliards de francs. Bref, lorsqu’il s’agit de faire des cadeaux à l’industrie de l’armement que l’on aime tant –celle-ci aura droit à des commandes de compensation –, on ne compte plus. Ces subventions, pour utiliser le terme idoine, échapperont de fait au contrôle démocratique.

On s’en doute, cet argent manquera ensuite pour des tâches autrement plus nécessaires pour garantir l’avenir. Ce qui menace la Suisse, ce sont les inégalités sociales, ce sont des coûts de la santé qui poussent chaque année des ménages dans la pauvreté, c’est une éducation en proie à des velléités de privatisation. Ne parlons même pas de l’enjeu climatique qui exigerait des investissements massifs pour assurer un devenir digne de ce nom aux nouvelles générations.

Et contre ces dangers-là, ce n’est pas d’avions de combat dont la Suisse a besoin. Ni de bombardements fiscaux pour réduire l’imposition des nantis et des grosses entreprises. Mais bien de justice sociale. Le référendum officiellement lancé mercredi par les Socialistes, les Verts et une série d’organisations pacifistes ou de défense de l’environnement sera l’occasion de rappeler ces priorités à ceux, prisonniers d’une pensée du siècle passé, qui les oublient par trop systématiquement.

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