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Punir les chômeurs

Eddie Lacombe critique vivement les pénalités imposées à certains demandeurs d’emploi.
Emploi

En matière de chômage en Suisse il n’y pas de fatalité, mais une situation qui n’évolue pas puisqu’il n’y a pas de remise en cause des fondamentaux.
Le chômage des séniors de 50 ans et plus n’a fait qu’augmenter ces dernières années. Le marché de l’emploi porte une réelle responsabilité dans ses pratiques. Combien de RH persistent jusqu’à l’entêtement à appliquer aux sélections des candidats des critères qui conduisent inévitablement une majorité de 50+ et chômeurs de longue durée à l’exclusion de toute embauche!

Les partis bourgeois (et surtout l’UDC) ont participé activement à la révision de loi sur l’assurance chômage (LACI). Son application au 1er avril 2011 fut pour les chômeurs une très mauvaise farce: limiter les conditions d’accès aux indemnités, durcir les contraintes faites à tout chômeur de retrouver le plus rapidement un emploi, quel qu’il soit et aux conditions minimales du marché. Combien même si celles prescrites par les CCT ou les usages ne sont pas respectées par des employeurs! L’injonction faite aux chômeurs de retourner au travail répond ainsi à cette fausse et malveillante légende qui fait croire «qu’il y a du travail, et qu’il suffirait de le chercher…». Certains hauts fonctionnaires du SECO, en total déni de la réalité des cantons frontaliers, ont adopté comme principe suprême cette aberration digne du café du commerce. Tout doit impérativement contribuer à faire baisser le taux officiel du chômage!

Pour les supposés récalcitrants, il y a un volet moins connu de la mission confiée aux ORP (Office régional de placement): les punir par des pénalités. Le sale boulot sera confié aux conseillers professionnels qui devront évaluer l’effort comme la docilité aux entretiens, les stages, les postulations, etc, avec un contrôle en arrière-plan du SECO (Secrétariat d’état de l’économie). La notion de faute comporte trois degrés fixés arbitrairement, sans (ou si peu) prise en compte de la situation personnelle du chômeur. Pour le supposé récalcitrant, il peut vite devenir le coupable idéal.

L’OCE (Office cantonal de l’emploi) à Genève n’est pas en reste, un chômeur qui aura juste une fois «fauté» sur 12 ou 24 mois de recherches pourrait être salement sanctionné. On pourrait halluciner à l’écoute des récits de chômeurs sur les pénalités qui leur sont imposées, car on assiste à des pratiques totalement excessives en nombre de jours et pour des motifs totalement abusifs. Il s’agit juste de faire (injustement) porter au chômeur le poids de la faute. Citons l’exemple de cette jeune femme fragile, qui travaille à temps partiel (20%), inscrite au chômage, qui pour ne pas s’être rendue à un entretien de postulation a reçu 34 jours de pénalités. Après son recours rejeté par le même service juridique qui l’avait sanctionnée, elle n’aura pas de revenu pendant un mois et demi! Outre de s’indigner de la violence de la sanction sur une personne vulnérable, on ne peut que dénoncer l’absurdité d’une décision qui pourrait conduire dans cette situation le chômeur à ne plus être capable de payer son loyer ou son assurance-maladie, puis de se trouver aux poursuites quand certains employeurs exigent abusivement des candidats une attestation de non-poursuites. On assiste à une forme d’inversion des responsabilités, avec un chômeur qui subit une double peine: licencié puis sanctionné. L’obligation récente faite à certains employeurs d’annoncer en premier lieu aux ORP les postes vacants dans certains secteurs professionnels aurait pu être un espoir pour des chômeurs, puisque l’on suppose que leurs compétences et expériences professionnelles seraient naturellement reconnues pour déboucher sur un engagement. Quel est le résultat de l’exercice: 370 chômeurs embauchés pour 6218 annonces traitées par l’OCE. Une misère tout à fait révélatrice qui mène à constater que la majorité des employeurs ne veulent pas vraiment s’impliquer dans la lutte contre le ­chômage.

Pour les chômeurs qui subissent ces sanctions abusives, il est temps d’agir pour ne plus subir! Vous pouvez toujours contacter une Association de défense des chômeurs ou un syndicat afin d’apporter votre témoignage et vous faire aider pour faire recours à une sanction. Sil venait à être rejeté, une autre voie de recours est possible! Il faut s’adresser rapidement, sous 30 jours, à la Chambre des assurances sociales qui pourrait mettre une limite légitime à ce qui s’apparente parfois dans le cas de ces pénalités à une folie destructrice.

Devant le chômage, nous ne sommes pas égaux en force pour affronter cette épreuve. L’application de telles pénalités induit un stress inutile, qui peut vite devenir contre-productif, car il ne contribue pas à aider le chômeur à retrouver un emploi. Pire, on l’atteint dans sa dignité!

Eddie Lacombe,
Chêne-Bougeries, ancien président de l’ADC Genève

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