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Federer en Amérique latine

Martin Moschell transmet cette réflexion qui lie sport et politique.
Réaction

La récente tournée de tennis-spectacle de Roger Federer en Amérique latine, où les peuples sont en lutte pour leur survie est pour moi, grand admirateur du joueur de tennis, un scandale moral.

Un beau geste autre que tennistique dans la vie de Roger Federer aurait été de refuser de jouer au Chili quand les manifestations du peuple sont férocement réprimées. D’autres champions sportifs ont eu le courage de tels gestes, par exemple les sprinters noirs américains aux Jeux olympiques de Mexico en 1968, poings levés gantés de noirs sur le podium, pour la défense des droits civiques des noirs aux Etats-Unis.

Et si Federer avait demandé très modestement au président du Chili, qui est un super-riche comme lui, de ne plus tuer les gens dans la rue, et de ne plus violer et torturer la jeunesse dans les commissariats, mais il ne l’a pas fait, parce que de telles pensées n’ont aucune chance d’éclore dans son esprit, et de plus il aurait eu immédiatement des problèmes avec ses sponsors. A Bogota, le match n’a pas eu lieu en raison du couvre-feu, on dit que Federer en aurait versé quelques larmes. Espérons pour lui qu’il n’a pas trop perdu sur ses dix millions de gain prévus pour quatre matches en une semaine.

Le commerce mondial, c’est un sacré sport, une guerre contre l’humanité à vrai dire. Les jeux du stade sont l’euphémisme de cette guerre menée en temps de paix.

La beauté du sport est niée par le sport-spectacle, pratique individualiste d’égoïstes, car cette beauté réside dans le caractère gratuit et pacifique d’une activité ludique codée, qui est un partage altruiste dans une communauté.

Cette exhibition indécente fait partie du divertissement généralisé par lequel le pouvoir dissimule sa vraie nature prédatrice. Notre prodigieux joueur de tennis est le délégué bienveillant de ce pouvoir du Capital, qui est en train de détruire les équilibres climatiques de la terre et de promettre à l’espèce humaine sa fin prochaine si on ne l’arrête pas bientôt dans son mouvement criminel et fou.

Mon admiration pour l’artiste des courts est intacte, mais je voudrais qu’il réussisse, par le plus beau passing shoot de sa carrière, à se dissocier du rôle politique qu’on lui fait jouer en l’instrumentalisant. Au-delà de sa condition de héros positif, j’en appelle à sa conscience d’homme.

Martin Moschell

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