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Dégager l’horizon démocratique

Un projet de loi concernant le vote des étrangers prévoit d’étendre l’actuel droit de vote communal au plan cantonal et de leur donner le droit d’éligibilité. Dario Ciprut, de l’association «Droits politiques pour les résident-e-s à Genève», relève que le projet ne remet pas en cause la durée minimale d’établissement, fixée à huit ans.
Genève

Début 2019 un frémissement parcourt le droit des étrangers1>Le masculin pluriel est utilisé comme neutre par convention pour désigner collectivement les genres. au bout du lac. Rien ne trouble la surface des eaux et le sismographe n’a détecté aucun tsunami. On s’agite pourtant à ce sujet dans les profondeurs et l’on est en droit d’espérer des changements qui ne soient pas simplement décoratifs. Avant que les inévitables polémiques n’obscurcissent les enjeux d’une campagne à venir, nous aimerions en avertir nos ­lecteurs.

Le 8 février, un projet de loi a été déposé au Grand Conseil genevois, à même de tirer le parlement d’une torpeur née du renoncement de l’Assemblée constituante à élargir un statu quo des droits politiques des étrangers déjà septennal. Le peuple avait en 2005 accordé le droit de vote communal sans éligibilité à la fraction des 40% de population étrangère qui compte huit ans de séjour en Suisse. Elle y reste désespérément confinée depuis. L’apprentissage et l’exercice des votations, événements participatifs quasi trimestriels au canton, rares voire absents dans les communes, lui demeurent inaccessibles. Sauf exceptions, ce statu quo réduit les étrangers à servir tous les cinq ans d’appoint électoral aux Suisses.

Dans ces conditions, regretter l’écart d’abstention entre confédérés et étrangers frise l’indécence. Il était temps de dégager l’horizon démocratique par un projet constitutionnel, et ouvrir sur une campagne à l’issue incertaine, dans laquelle les premiers concernés n’auront, une dernière fois en cas de succès, aucune prise.
Proposé par Ensemble à gauche, contresigné par 42 députés, dont une moitié du groupe PDC étoffant l’Alternative, le projet prévoit d’étendre au plan cantonal et à l’éligibilité le droit de vote confiné au municipal, sans toucher à la durée de séjour exigible.

Les huit ans en vigueur paraissaient déjà excessifs en 2010 au collectif ViVRe qui réclamait leur abaissement à cinq, inscrits aujourd’hui au programme de législature des Verts. L’association «Droits politiques pour les résident-e-s à Genève» (DPGE, dpge.ch), dédiée depuis 2013 à cette extension, a laissé ce délai ouvert dans ses statuts, mais travaille à en motiver la réduction. Réserver un tel débat à une décision ultérieure a l’avantage d’écarter toute confusion entre l’effectif des citoyens étrangers et les impératifs de principe, franchir la barrière cantonale et lever l’interdit de candidature. Cette prudence à séparer le «qui» du «quoi» est un gage potentiel de sérénité.

DPGE s’est ardemment attelée à diffuser un projet conforme à ses exigences, entretient dans ce but des contacts individuels avec des parlementaires et pilote un groupe encore informel de soutien. La commission des droits politiques du Grand Conseil, qui a commencé fin août l’examen du projet de loi, vient de boucler le cycle des auditions et a entendu DPGE le 9 octobre. Les commissaires MCG, épaulés par l’UDC, s’y sont montrés sourds à la défense d’une citoyenneté cantonale constitutionnellement séparée de la nationalité – visiblement, le concept leur échappe.

La formulation juridique du projet, voisin de variantes déjà expertisées, ne prête pas à contestation et les ultimes consultations ne peuvent que conforter la donne. Le feu vert d’une commission où les signataires du projet bénéficient d’une courte majorité, éventuellement renforcée d’abstentions, s’impose.

Délais pour rapports et planning des sessions rendent plausible un débat en plénière à l’orée 2020. Spéculer sur son issue, à la suite des reconfigurations politiques consécutives aux élections fédérales, est prématuré. Le centre devrait y jouer le rôle de charnière qu’on lui connaît. La proximité des municipales de mars offre aux partisans du projet une occasion d’avertir les électeurs de la position des formations lors du débat. En cas d’issue positive, le référendum obligatoire pourrait être rapidement programmé pour l’automne. Un enlisement de la voie parlementaire inciterait en revanche à dégager l’horizon par une collecte de signatures pour une initiative. L’an nouveau est prometteur, nous y reviendrons.

Notes[+]

Notre invité est membre du comité DPGE.

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