Plus grand, plus cher, plus absurde!
Certes, «plus vite, plus haut, plus fort» appelle à l’exploit. Mais la devise olympique se réfère à l’origine aux performances sportives et au dépassement de soi. Or, ces dernières décennies, c’est surtout sur le terrain mercantile qu’on a enregistré des records. On a assisté à une surenchère budgétaire et sécuritaire dans l’organisation des grands événements sportifs. Jusqu’à l’absurde. Comme ces Championnats du monde d’athlétisme 2019 qui se déroulent à Doha.
La capitale du Qatar est si peu propice à la tenue d’une telle compétition que les athlètes sont dégoûtés: «C’est une catastrophe!» «On nous prend pour des cons!» Ou encore: «Je me réjouis de partir d’ici!» Ce ne sont que quelques-unes des phrases lâchées aux micros par des sportifs pourtant habitués à manier la langue de bois en interview.
Les images diffusées tout autour du monde sont tristes à voir. Marathoniennes et marcheurs écroulés sur des civières ou sur des chaises roulantes, terrassés par une chaleur suffocante bien que leurs épreuves aient été repoussées dans la nuit. Stade vide, malgré l’air climatisé projeté par 3000 bouches d’aération et des entrées offertes à tour de bras.
Comment en est-on arrivé à confier au Qatar, une monarchie absolue et intégriste, sans aucune tradition sportive, un tel événement? Comment à l’heure de l’urgence climatique braque-t-on des caméras sur un stade ultraclimatisé, au confins du désert et dans un territoire isolé? Ce n’est que le début. En 2022, l’Emirat accueillera la Coupe du monde de football. Des centaines de milliers de supporters s’y rendront des quatre coins du monde en avion. Et ce ne sera alors pas un mais huit stades qui devront être climatisés – bien que la compétition la plus suivie du monde a été déplacée pour la première fois vers la fin de l’année, au grand dam des clubs – dans ce pays qui rejette le plus de CO2 au monde par habitant et par an avec 45,4 tonnes, contre 5 en moyenne pour le reste de la planète (chiffres de 2014).
On le sait, les droits humains, l’impact écologique et les conditions de travail des esclaves modernes qui construisent les stades qataris ne pèsent pas lourd face à la quantité de «gazodollars» que l’Emirat peut allonger – que se soit légalement ou en pot-de-vin. C’est déplorable. Mais à l’heure où les fédérations sportives réclament des événements toujours plus grands et toujours plus chers, même s’ils sont toujours plus absurdes, on risque de ne voir plus que des pays prêts à tout pour s’acheter ou redorer une image à l’international, disposés à se les payer.