Chroniques

La droite radicale face à la justice

L'Allemagne vue de là-bas

Au matin du lundi 30 septembre s’est ouvert, dans les salles de haute sécurité du Tribunal supérieur de Dresde (Saxe), le procès de huit membres de l’organisation de droite radicale Revolution Chemnitz. Fortement médiatique, le procès traite d’une question fondamentale car les suspects sont accusés de «terrorisme» sur la base de discussions privées sur des chats cryptés (utilisant l’application de messagerie Telegram). La question centrale est de déterminer si les manifestations de droite radicale violente qui ont eu lieu dans la petite ville de Chemnitz (Saxe) à l’automne dernier – et dans le sillage desquelles le groupe en question a été créé – auraient pu prendre une dimension plus importante et conduire à des actes de terrorisme organisés au niveau national.

Le procès s’inscrit dans la prise de conscience récente des autorités allemandes du danger posé par la droite radicale dans le pays. Des signes indiquant que les groupes de la droite radicale connaissent un degré d’organisation plus élevé qu’estimé jusque-là se multiplient. Parallèlement, il devient de plus en plus évident que différents groupes ont acquis les moyens et le savoir-faire pour conduire des actions violentes et organisées.

Le Ministère de l’intérieur, sous la direction du conservateur bavarois Horst Seehofer (CSU), a recensé un nombre croissant d’actes violents de la droite radicale en 2018 et surtout une augmentation importante du nombre d’armes trouvées par la police (1091 armes ont été confisquées lors de 563 enquêtes en 2018). Les manifestations qui ont marqué Chemnitz ont clairement indiqué que la droite radicale allemande est capable de rassembler un nombre important de membres, et que ceux-ci sont déterminés à utiliser la violence pour imposer leur agenda: des manifestants ont attaqué des restaurants turcs, perses et juifs, des migrants, des journalistes et des manifestants de gauche. La mort par balle du haut fonctionnaire Walter Lübcke (CDU, Hesse) le 2 juin dernier, a démontré que la droite radicale était prête à franchir une étape fondamentale: l’assassinat politique.

L’analyse de la messagerie privée des huit suspects révèle, selon le procureur fédéral allemand, que le groupe Revolution Chemnitz possédait une structure, un objectif et une méthodologie précis. Son but final, tel que formulé par le procureur, était le «renversement de l’Etat de droit démocratique» ou, selon les mots d’un des accusés, «quelque chose comme une guerre civile». C’est en particulier le 3 octobre 2018 qu’aurait dû avoir lieu une série d’attaques à Berlin, lesquelles auraient dû permettre le «renversement du système» allemand. Dans ce cadre, le groupe aurait cherché à se procurer des armes semi-automatiques.

Le procès met à nouveau à jour le niveau d’organisation de la droite radicale en Allemagne. Les membres de Revolution Chemnitz ont tous, dans le passé, été actifs dans le milieu – en particulier au sein de l’organisation néonazie saxonne Sturm 34, qui a fait l’objet de plusieurs procès en 2008 – et la plupart ont déjà été condamnés à des peines de prison. Un important réseau mobilise également d’autres organisations plus ou moins formelles au sein de la droite radicale, notamment par le biais d’applications de messagerie cryptée. La violence physique occupe une place centrale dans l’idéologie, mais aussi dans les pratiques de la droite radicale: ses membres se regroupent au sein de clubs de combat, s’exercent à la manipulation d’armes à feu au sein de stands de tir, et s’entraînent au combat entre clubs de hooligans.

Le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, s’est dit «alarmé» du nombre d’armes à feu que possèdent les groupes de la droite radicale. Il était temps. Désarmer ces groupes ne peut toutefois être qu’une première mesure: il est nécessaire de s’occuper des racines du problème. La droite radicale n’a jusqu’ici pas trouvé de place adaptée dans la feuille de route du Ministère de l’intérieur. Il est temps que cela change.

Notre chroniqueur est un historien romand établi à Berlin.

Opinions Chroniques Séveric Yersin

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