Berset trop près du mur
Le 13 juin dernier, à la veille de la grève des femmes, le conseiller fédéral Alain Berset avait utilisé son compte twitter pour diffuser une courte vidéo en faveur de l’égalité. Mercredi, ce plaidoyer s’est concrétisé: égalité, en langage Berset, cela veut dire travailler une année de plus pour les femmes.
Le Conseil fédéral a en effet présenté mercredi son message sur AVS 21. Sa mesure principale – qui doit rapporter 10 milliards de francs d’ici 2030 – est prise sur le dos des femmes qui perdent une année de retraite. Une petite partie de cette somme – 700 millions – leur est certes rendue via des mesures compensatoires. Mais celles-ci sont provisoires et servent surtout à faire passer la pilule à un électorat proche de la retraite et que l’on sait être davantage hostile à l’idée de repousser sa sortie de la vie active. Le solde est surtout prélevé sur la TVA, un impôt antisocial s’il en est. La manœuvre est suffisamment cousue de fil blanc pour que cela se voie.
Le travail parlementaire va pouvoir être mené sur des bases plus claires. Nul doute que le projet sera amendé; dans sa mouture actuelle il est inacceptable pour le Parti socialiste. Verra-t-on de douteux marchandages comme sur RFFA (la réforme de la fiscalité des entreprises) pour verrouiller le débat dans un paquet ficelé antidémocratique?
Au vu de l’obstination du Conseil fédéral, cela semble loin d’être exclu. Tout se passe comme si la grève des femmes du 14 juin n’avait pas eu lieu. Comme si des centaines de milliers de manifestantes n’avaient pas teinté de violet les rues suisses. Comme si des solidarités de genre, au-delà des générations, ne s’étaient pas nouées dans les cortèges. Un hilarant détournement de la démagogique vidéo du magistrat a d’ailleurs immédiatement été mis sur la toile par une joyeuse – et jeune! – troupe. La clameur et l’indignation exprimées avec force le 14 juin ne semblent pas avoir perturbé le climat machiste régnant dans la coupole. Circulez, il n’y a rien à voir.
Le Parti socialiste tente pourtant de surfer sur la vague violette. Il a même lancé un questionnaire – histoire d’occuper le terrain politique – pour capitaliser sur ce mouvement social. Une récupération mal reçue par les organisatrices de la grève féministe. Mais on pourrait prendre le parti à la rose au mot. Répondre à ce questionnaire avec une seule et même priorité: camarades, qu’allez-vous faire pour ramener Alain Berset sur le chemin de l’égalité? Lui qui semble définitivement être passé du côté obscur de la force en portant – sans marquer la moindre distance – la politique très droitière du Conseil fédéral.