Édito

La loi et rien que la loi

La loi et rien que la loi
La justice a refusé d’entrer en matière sur la notion, pourtant élémentaire, de compassion qui a mû l’action d'Anni Lanz. KEYSTONE
Délit de solidarité

«Toute infraction à une loi doit être punie». Le procureur valaisan au front bas n’a laissé aucun espoir à Anni Lanz. Mercredi, le Tribunal cantonal valaisan a confirmé l’amende infligée à l’ancienne secrétaire générale de l’association Solidarité sans frontières pour être venue en aide à un réfugié afghan.

Tant pis si cet homme qui a été expulsé vers l’Italie, pays de première entrée, n’avait pas pu être logé dans une structure d’accueil. Tant pis s’il dormait dans la rue par des températures en dessous de zéro. Tant pis s’il avait fait plusieurs tentatives de suicide et qu’il aurait sans doute été mieux entouré s’il avait pu être hébergé par sa sœur qui vit en Suisse. La justice a refusé d’entrer en matière sur la notion, pourtant élémentaire, de compassion qui a mû l’action d’Anni Lanz. Celle-ci a été traitée comme une vulgaire passeuse intéressée par l’argent.

Anni Lanz n’est d’ailleurs pas la seule dans le collimateur de la justice. Norbert Valley, pasteur évangélique neuchâtelois, a été condamné pour avoir hébergé un Togolais. Ce dangereux délinquant a été interpellé en plein culte par les pandores! Un recours a été déposé. Et Lisa Bosia Mirra, députée tessinoise, est devant la justice pour avoir aidé au passage de jeunes réfugiés.

Venir en secours à une personne en détresse profonde est donc un délit. En revanche, se comporter en plus froid des monstres froids, pour reprendre la formule de Nietzsche à propos de l’Etat, reste de mise. On peut laisser se noyer des dizaines de milliers de damnés de la terre en Méditerranée sans être condamné par la justice, comme le voudrait pourtant le bon sens.

La politique suisse en la matière s’inscrit malheureusement dans un contexte politique largement partagé par les pays voisins. Mercredi, Le Canard Enchaîné1>«Voir Kaboul et mourir», Canard Enchaîné du mercredi 21 août, p. 8. évoquait le cas d’un Afghan pour lequel un juge français décérébré a qualifié de «perspective raisonnable» une expulsion vers Kaboul. Certes, la situation y est «complexe», notamment en raison d’attentats meurtriers, «mais ce risque est aussi présent en France», a osé cet homme chargé de dire la loi.

Sans doute ne faut-il effectivement pas trop attendre des voies de droit. La réponse est peut-être politique. Ça tombe bien: la section suisse d’Amnesty International a lancé une pétition pour réviser l’article 116 de la loi sur les étrangers qui criminalise les personnes qui font preuve de solidarité. N’attendons pas cinquante ans pour les réhabiliter en admettant que la politique menée avait peut-être quelque chose d’indigne.

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