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La schizophrénie impacte la famille

Les études sur la schizophrénie se multiplient depuis des décennies. Si elle est mieux comprise aujourd’hui, son impact sur les proches, en particulier les enfants, n’est, lui, que peu étudié.
Psychosocial

«Il faut tenter de résoudre une partie du sentiment d’isolement des proches de personnes atteintes par la schizophrénie.» Le Dr Philippe Conus, chef du Service de psychiatrie générale du CHUV, a ainsi débuté la conférence «Schizophrénie et famille: une question à multiples facettes», lors des 16es journées consacrées à cette maladie, ce printemps à Lausanne. «La schizophrénie reste un des troubles les plus stigmatisés, un des troubles autour desquels il y a le plus d’amalgames», a-t-il poursuivi. Même si les études existent en nombre, notamment concernant les parents des personnes atteintes. «Par contre, peu d’écrits sont répertoriés sur les frères et sœurs ainsi que sur les enfants».

Pour rappel, le trouble mental schizophrénique se retrouve dans le monde entier. Il n’est pas lié à certains types de sociétés. Pour les personnes atteintes, les symptômes se manifestent sur des temps assez longs. Ils peuvent être des idées délirantes. La plus courante est un délire paranoïde. Les autres symptômes peuvent être des hallucinations visuelles, des altérations de la perception, comme entendre des voix, ou bien des hallucinations olfactives, gustatives. La désorganisation de la pensée constitue aussi une des caractéristiques de ce trouble, en particulier des digressions importantes. On peut ainsi présenter un ou plusieurs symptômes et tomber dans cette définition de la maladie.

Les facteurs de risque de la schizophrénie sont connus, mais pas les causes, le fonctionnement du cerveau restant toujours extrêmement complexe et mystérieux. Ce trouble peut commencer assez tôt: 85% des personnes touchées ont entre 15 et 25 ans. C’est une pathologie dont l’évolution n’est pas forcément défavorable. Depuis peu, de récentes investigations montrent qu’un tiers de sujets ne présentent plus de symptômes après un certain temps.

Mais quel est l’impact direct de la schizophrénie sur les proches? En 1993, une étude a porté sur 14 frères et sœurs de patients. Dans leurs réponses, tous se sont déclarés soulagés lorsqu’ils ont appris quelle maladie précise touchait leur proche. La clarification du type de trouble a relâché la tension. Sur l’ensemble de ces situations, trois types de relations se dégagent: certains frères ou sœurs sont très impliqués en général et de façon permanente. D’autres le deviennent surtout dans une phase de crise. Et d’autres se détachent complètement du membre de la famille touché par la maladie.

Lors de ces journées, Virginie (prénom d’emprunt), la vingtaine, a témoigné de la maladie de son frère qui a profondément bouleversé leur relation. Le jeune homme a été diagnostiqué alors qu’il était étudiant et avait connu plusieurs hospitalisations depuis 2014, suite à des crises. La relation s’est maintenue et a évolué positivement. «Mon frère est extrêmement noble dans son attitude, explique Virginie, il ne formule aucune plainte, il n’est jamais replié sur lui-même. Notre relation ne s’est jamais endommagée, elle est devenue différente et nouvelle.» Plus globalement, l’intégration de sa place à elle dans le processus thérapeutique ne semble pourtant pas avoir été optimale. «Le monde médical m’a peu prise en compte dans la thérapie de mon frère», reconnaît la jeune fille.

C’est là un point délicat dans l’ensemble du processus de soins: la manière d’intégrer des proches qui sont directement impliqués. Il y a les frères et sœurs des patients, mais également les enfants, parfois très jeunes. Sur le site de Cery, par exemple, un tiers des patients sont des parents. Plus de la moitié de leurs enfants sont des enfants mineurs. Sur une année, ce sont environ 600 enfants qui sont concernés. Globalement, 20’000 à 50’000 enfants sont touchés en Suisse.

Plus l’enfant est confronté jeune à la vulnérabilité d’un parent, plus il risque de présenter lui-même une vulnérabilité. Des problèmes de négligence, voire de maltraitance, peuvent apparaître dans les cas les plus graves. L’imprévisibilité peut fragiliser l’enfant dans son développement psychique. Mais les facteurs protecteurs existent: les capacités de résilience et les capacités à donner du sens. Il y a le soutien du deuxième parent ou d’une tierce personne. Le réseau social, les amis, les personnes de confiance sont aussi importants. Une statistique de trois tiers se dégage ainsi de ces situations. Un premier tiers des enfants présente des troubles psychologiques. Un deuxième tiers rencontre des difficultés psychologiques mineures et ponctuelles. Le dernier tiers évolue parfaitement bien. Plus sensibles, ces enfants se lancent souvent dans des professions de la santé ou du social. Leur souci de l’autre est devenu une ressource.

Article paru dans Diagonales n° 130, juillet-août 2019, bimestriel du Groupe d’accueil et d’action psychiatrique, www.graap.ch

Opinions Agora Laurent Donzel Psychosocial

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