Trump la mort
Le vénérable New York Times a dû changer sa une, lui qui avait titré sur l’appel de Trump «à l’unité contre le racisme» à la suite des attentats d’extrême droite à Dayton (Ohio) et El Paso (Texas). Une avalanche de commentaires sarcastiques et de tweets critiques lui ont fait comprendre le caractère révoltant de son titrage: sous couvert de distanciation et de neutralité, il en venait à dédouaner le pompier pyromane.
Car il ne suffit pas de brailler comme le fait le président orange que «personne n’est moins raciste que moi» pour en faire une vérité. En l’occurrence, on est bien face à du newspeak orwellien. Donald Trump multiplie les saillies racistes. C’est même un élément structurant de son programme. Depuis son mur pour empêcher des hordes de Mexicains d’envahir les Etats-Unis, en passant par son renvoi dos à dos des militants antifascistes et des suprématistes blancs de Charlottesville, jusqu’aux récentes insultes servies aux députées critiques invitées à «retourner dans leur pays de merde» si elles n’étaient pas contentes, Donald Trump joue sur les peurs pour vendre sa politique ultralibérale.
Rien que de très logique, finalement. Le président étasunien s’inscrit pleinement dans le retour des politiques néofascistes qui prospèrent sur un capitalisme en crise structurelle. Elles permettent une recomposition de ce dernier en prônant une régénération nationale fondée sur l’exclusion d’éléments présentés comme allogènes et dangereux pour l’intégrité du corps national. Cela discrédite toute lutte sociale, syndicale ou politique accusée de diviser le pays.
Et cela marche. Aux Etats-Unis, au Brésil de Bolsonaro mais aussi plus près de nous. Le populisme udéciste joue lui aussi sur ces ressorts, ramenant tous les problèmes des Suisses –chômage, violences faites aux femmes, pollution – à l’immigration.
C’est aussi à une défaite idéologique que l’on assiste. Les tueurs s’abreuvent à des sites d’extrême-droite crapoteux. Mais à y regarder de plus près, ce fascisme 2.0 est naturalisé et intégré dans le corpus idéologique de la droite classique. La théorie du grand remplacement est promue par des Alain Finkielkraut et Eric Zemmour et pas uniquement par des crânes rasés ou des nostalgiques du troisième Reich.
En cela la révolte citoyenne qui a réveillé le New York Times est salutaire. Et met en évidence que les mots ont un sens, qu’il suffit de nommer correctement les choses pour dévoiler des mécanismes pernicieux qui risquent de nous mener vers l’abîme. Et, partant, permet de les combattre efficacement.