Édito

Manger et survivre

Manger et survivre
Les pays riches consomment 100 kilos de viande par habitant et par an (contre moins de 10 kilos pour les pays pauvres). KEYSTONE
Climat

Le Giec (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié jeudi son rapport spécial sur la prise en compte de l’agriculture et de l’alimentation dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Un document volumineux – 1200 pages! – mais qui se résume assez facilement: l’agriculture est responsable d’un tiers des gaz à effet de serre (et même de 50% des émissions de méthane), si on prend en compte les transports et le conditionnement. Les habitants des pays du Nord, principalement, consomment trop de viande. Si l’on veut limiter le réchauffement en dessous de la barre des 2 degrés à l’horizon 2100, comme le prévoit l’accord de Paris, un changement dans l’utilisation des terres est indispensable.

Mauvaises habitudes récentes

Cela suppose de réinventer nos habitudes alimentaires. Et peut effrayer, la nourriture ayant une forte dimension culturelle et symbolique. Mais ces craintes peuvent aussi être relativisées: nos – mauvaises – habitudes sont récentes. Les pays riches consomment 100 kilos de viande par habitant et par an (contre moins de 10 kilos pour les pays pauvres). Cette consommation a doublé par rapport à 1961. Vivons-nous vraiment tellement mieux aujourd’hui?

L’agriculture devra redevenir plus durable, c’est-à-dire plus locale. Cela suppose de rompre avec certains dogmes politiques et économiques. Par exemple mettre fin au libre-échangisme compulsif qui tient lieu de politique à nos gouvernants et qui nous fait manger de la vache brésilienne ou du poulet chinois à coups de douteux traités.

Les jeunes manifestent

Bref, redevenir un peu raisonnables dans une économie devenue folle et qui n’a pour seul horizon que la courbe des profits. Des choix compliqués nous attendent. Et qui vont être combattus par les multinationales de l’agro-alimentaire avec des arguments fallacieux, des fumisteries scientifiques – disant par exemple que les OGM vont nous tirer de ce mauvais pas – ou des thèses populistes attribuant tous les maux à la démographie des pays du Sud, comme pour la très discutable initiative dite Ecopop.

On connaît ces manœuvres, on les a observées sur des dossiers comme le tabac ou l’énergie. Face à ces échappatoires trompeuses, garder le cap et lutter pour un monde durable sera primordial. Réjouissons-nous donc que les jeunes – et moins jeunes – qui se réunissent ces jours-ci à Lausanne et manifesteront ce vendredi semblent bien résister à ces sirènes et ne se laissent pas impressionner lorsqu’ils sont houspillés en des termes discourtois par les thuriféraires de la fuite en avant capitaliste. Ils ont pris en main leur avenir. Et le nôtre.

Opinions Édito Philippe Bach Climat

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