Genève

Le CEVA bouscule les Eaux-Vives

Avec la Nouvelle Comédie, près de 400 logements, des bureaux et des commerces à foison, c’est un nouveau quartier qui pousse autour de la future gare du Léman Express.
Le CEVA bouscule les Eaux-Vives
Autour de l’infrastructure ferroviaire, la Nouvelle Comédie, dont l’imposant bâtiment de verre marque déjà le site de sa présence, mais aussi quelque 400 logements, des commerces et restaurants, des bureaux. JPDS
Série d'été

Le Léman Express (CEVA) sera sur les rails le 15 décembre prochain. Et son arrivée, attendue depuis un siècle, ne va pas uniquement chambouler la mobilité du canton. Autour de ses cinq haltes genevoises, de nouveaux quartiers sont en train de naître. C’est le cas aux Eaux-Vives, où le pourtour de la future gare vit une mue urbaine historique. «Ce sera la deuxième gare de la ville. Pour Genève, c’est une révolution», souligne Isabelle Charollais, codirectrice du Département des constructions de la Ville de Genève, qui nous fait visiter le chantier.

Série d’été: La ville en mouvement (2)

Genève construit, Genève grandit, Genève change. Tout au long de l’été, Le Courrier explore les «nouveaux quartiers» du canton, qu’ils soient fraîchement sortis de terre ou en proie à une forte mutation urbaine. Deuxième volet de notre série.

Autour de l’infrastructure ferroviaire, figurera en bonne place la Nouvelle Comédie, dont l’imposant bâtiment de verre marque déjà le site de sa présence, mais aussi quelque 400 logements, des commerces et restaurants, des bureaux, des équipements sportifs et une crèche. A voir le ballet incessant des grues, des camions et des pelles mécaniques, difficile d’imaginer à ce stade qu’une bonne moitié du site sera opérationnelle en décembre, au moment de l’arrivée des premières rames du Léman Express.

Esplanade ouverte

Dès lors, ses milliers de passagers traverseront une vaste galerie marchande sous-terraine, sortiront par l’une ou l’autre des trois émergences de la gare, côté route de Chêne, Franck-Thomas ou sur la toute nouvelle place de la Gare des Eaux-Vives, au cœur du périmètre.

A l’air libre, les passants flâneront sur la grande esplanade Alice-Bailly, pièce maîtresse des espaces publics du futur quartier, longée par les commerces installés au rez-de-chaussée du premier immeuble bâti par les CFF, dont une grande brasserie méditerranéenne. En face, la Nouvelle Comédie entamera sa première saison théâtrale in situ à l’automne 2020.

«L’esplanade a été conçue pour que les gens puissent se l’approprier, à la fois en exigeant des activités ouvertes au public dans les rez-de-chaussée et par des aménagements permettant une grande souplesse d’utilisation», assure Isabelle Charollais. L’avenir dira si le pari est réussi. D’ici là, les travaux sont encore loin d’être terminés.

La suite des opérations va se déployer progressivement, alors que le chantier nécessite une coordination proche de la mécanique de précision. Les terrains sont répartis entre les CFF, la Ville et l’Etat de Genève, mais une myriade d’autres acteurs sont impliqués dans le projet. La construction d’un second immeuble par les CFF, le long de l’esplanade centrale, devrait démarrer cet automne, alors que la première pierre d’une coopérative à vocation intergénérationnelle pourrait être posée au printemps 2020.

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A voir le ballet incessant des grues, des camions et des pelles mécaniques, difficile d’imaginer à ce stade qu’une bonne moitié du site sera opérationnelle en décembre, au moment de l’arrivée des premières rames du Léman Express. JPDS

La dernière étape, en mains de la Ville de Genève, se déclinera au nord du tracé ferroviaire, dans le prolongement de la Nouvelle Comédie, probablement à partir de 2021. Six bâtiments de logement sont prévus – 150 appartements à loyer modéré – ainsi qu’une crèche et des locaux administratifs. En sous-sol, on trouvera un petit centre sportif, avec une piscine publique de 25 mètres, un espace omnisports et une salle de grimpe.

Commerçants à bout de nerfs

Pris bout à bout, on comprend mieux que le futur quartier de la gare des Eaux-Vives, qui s’étend sur plus de 50 000m2, sera «une petite ville dans la ville», comme aiment à dire les autorités. Pour les habitants et usagers du secteur, et plus largement du quartier historique des Eaux-Vives, c’est un immense chambardement qui se profile.

Présidente de la Maison de quartier des Eaux-Vives, sise dans une belle bâtisse quelques encablures en contrebas, Joëlle Quevedo ne cache pas une pointe d’inquiétude. «Avec toutes les familles qui vont s’installer là-haut, on ne pourra plus accueillir tout le monde, c’est beaucoup trop petit ici», lâche-t-elle. Elle verrait d’un bon œil la mise à disposition d’une salle dans le futur quartier. La proximité avec de nouvelles infrastructures sportives, notamment la piscine, lui semble aussi intéressante. «Mais on peine à obtenir des informations sur les projets en cours, on se fait balader d’un service à l’autre», dit-elle.

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Le futur quartier, qui s’étend sur plus de 50 000m2, sera «une petite ville dans la ville», comme aiment à dire les autorités. JPDS

Chez les commerçants alentour, l’inquiétude porte davantage sur le présent que sur le futur. Depuis la fermeture de l’avenue de la Gare en septembre 2018, et l’encerclement de la zone par des barrières de chantier, ils vivent un enfer. Outre le bruit et la poussière, c’est surtout l’accès très restreint au secteur qui les met en rogne. «La fréquentation a chuté, j’ai dû licencier 2 employés sur 5 l’an passé», relève Davide Lembo, gérant de l’emblématique Café des Voyageurs, aux mains de sa famille depuis 1974.

Depuis début juillet, la fermeture de la route de Chêne pour les travaux du tram a encore davantage enclavé les dernières enseignes ouvertes le long de l’avenue. Pour y accéder, même à pied, c’est un vrai dédale. «Des clients m’appellent car ils ne trouvent même plus la boutique», se désespère Joseph, gérant du magasin de vélos Easycycle, juste à côté. Pour l’heure, ils n’ont réussi à obtenir aucune indemnisation des autorités ou des CFF.

L’avenir en rose?

Une fois les travaux finis, la gare et les développements alentour devraient toutefois générer un fort passage et autant de clients potentiels. A terme, le Café des Voyageurs sera même idéalement placé dans un quartier en plein boom. «L’avenir est plutôt rose, du moins on l’espère», reconnaît Davide Lembo, qui attend la fin de l’année avec impatience.

Pour Isabelle Brunier, présidente de l’association d’habitants Vivre aux Eaux-Vives, le quartier de la gare est également porteur d’espoir. Elle espère notamment que cette nouvelle portion des Eaux-Vives permettra de raviver l’action citoyenne et de trouver de nouveaux membres pour l’association, alors que la relève fait aujourd’hui défaut. «Les nouveaux arrivés auront sans doute des besoins et des envies, et j’espère qu’ils auront à cœur de s’engager pour leur nouveau lieu de vie», conclut-elle.

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Série d'été: la ville en mouvement

mercredi 7 août 2019
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