Édito

Ne pas se tromper d’Etat voyou

Ne pas se tromper d’Etat voyou 1
KEYSTONE-A
Etats-Unis/Iran

L’Iran est passé à l’acte. Soumise depuis plus d’un an à des sanctions économiques aussi radicales qu’illégales de la part des Etats-Unis, la République islamique ne se sent plus tenue par l’accord sur le nucléaire qu’elle a signé en 2015 avec l’Union européenne et les membres permanents du Conseil de sécurité. Lâché par une Europe incapable de retenir ses entreprises et de commercialiser son pétrole, Téhéran a envoyé lundi un message sans ambiguïté: la course à l’uranium enrichi est relancée.

Les faucons israélo-étasuniens peuvent exulter. Des années de négociations puis de dénucléarisation du golfe Persique volent en éclat depuis que Washington a renié ses engagements pris sous Barack Obama. Une volte-face et une politique du gros bâton auxquelles le président des Etats-Unis nous a malheureusement habitués.

Matamore des relations internationales, Donald Trump – cornaqué par la bande de néoconservateurs qui domine son administration – multiplie les ukases. Sanctions contre la Chine, la Russie, le Venezuela, Cuba, la Turquie et même le Canada. Menaces contre les entreprises européennes, le Mexique, l’Inde, etc. Les Etats-Unis s’essuient les pieds sur le droit international et quittent les unes après les autres les arènes multilatérales récalcitrantes. Usant et abusant de leur poids militaire et économique comme de leur domination, de fait, sur les réseaux financiers et informationnels globaux.

Au point que cette nation ressemble aujourd’hui mieux que tout autre à l’archétype qu’un de ses funestes ex-présidents, Ronald Reagan, avait naguère inventé, celui d’un Etat voyou. Affranchi de tous égards pour la souveraineté d’autrui et les usages de la société internationale.

Ou pire: un «Etat caïd», tant est patente l’impunité de ce comportement. Face à une communauté internationale aussi pleutre que divisée, le chef de bande étasunien n’a aujourd’hui plus d’autres limites que celles qu’il veut bien se fixer. De quoi accréditer l’idée que le seul garde-fou contre Washington, à l’instar de la Corée du Nord, se trouve au fond d’une centrifugeuse.

Etreinte économique resserrée

Il y a dix jours, en resserrant encore son étreinte économique sur l’Iran, Donald Trump savait pertinemment qu’il mettait ce pays contre les cordes. Un jeu pour le moins dangereux. A moins que ce ne soit là le but de la partie: pousser l’Iran à donner un prétexte à la guerre. De fait, rarement la région a-t-elle semblé aussi proche d’une conflagration.

Européens, Russes et Chinois sont plus que jamais devant un choix. Puniront-ils l’Iran pour avoir franchi lundi la ligne rouge ou s’uniront-ils enfin devant les menées unilatérales et délétères du caïd étasunien? De la réponse européenne, en particulier, dépend – bien au-delà de l’avenir proche du Golfe Persique – une certaine conception des relations entre les peuples.

Opinions Édito Benito Perez Etats-Unis/Iran

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