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«Le monde de l’argent doit prendre ses responsabilités»

Des affiliés de la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud demandent à l’institution de se montrer responsable en désinvestissant les combustibles fossiles.
Climat

Un groupe d’affiliés de la Caisse de pensions de l’Etat de Vaud (CPEV) très concernés par l’urgence climatique s’est constitué récemment, sous le nom de Divest-Vaud. Ils interpellent la Caisse et son Conseil d’administration en demandant un réexamen – urgent – de leurs modalités d’investissement. Ceci dans la foulée, entre autres, de l’action exemplaire du quotidien britannique The Guardian, qui a fait du climat un thème prioritaire et met en exergue la formule «Keep it in the ground!» (laissez les combustibles fossiles sous terre, là où ils sont).

Renoncer aux énergies fossiles est un facteur majeur pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, CO2 notamment, intimement liées au dérèglement climatique. Et les mécanismes financiers usuels (ceux de la bourse) sont ici un levier potentiellement efficace pour promouvoir un désinvestissement de ces énergies. Si l’on parvient à convaincre les grands investisseurs (dont les caisses de pensions) d’aller dans ce sens, l’attrait de ces valeurs baissera considérablement, les milieux financiers s’en détourneront et leur exploitation diminuera, comme diminuera le CO2 émis dans l’atmosphère. En réalité, on ne pense pas assez au risque que représente la bulle (financière) carbone; quand elle éclatera, les milliards investis dans les réserves fossiles s’évaporeront.

C’est dans ce sens qu’une douzaine de personnalités romandes étaient réunies à Lausanne le 24 mai dernier, en annonçant l’ouverture du site divest-cpev.ch. A l’instar d’autres institutions publiques, elles inviter la CPEV à développer une stratégie respectant l’Accord de Paris de 2015. En s’engageant de cette manière, la Caisse non seulement donnerait un signal fort pour l’avenir des Vaudois, mais pourrait améliorer le rendement des investissements garantissant leur retraite. Il importe que les affiliés de la CPEV s’interrogent: «Voulons-nous que nos retraites participent à un meilleur avenir?» Tout-e citoyen-ne concerné-e est invité-e à soutenir cette démarche via la plateforme en ligne divest-cpev.ch.

Rappel: le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme: un réchauffement de 4 degrés serait synonyme de catastrophes inouïes; par exemple jusqu’à 75% des habitants de la planète pourraient être victimes – jusqu’à en mourir – de vagues de chaleur meurtrières. Or, chez nous, l’Office fédéral de l’environnement a rendu attentifs les investisseurs au fait que leur comportement actuel favorise une augmentation de température de l’ordre de 4 degrés avant la fin de ce siècle – alors que l’Accord de Paris entend la limiter à 1,5 degré.

La réunion du 24 mai, qui s’est tenue dans la Salle capitulaire de la Cathédrale de Lausanne, a réuni plusieurs orateurs de haut vol. Parmi lesquels le Prix Nobel Jacques Dubochet, Margherita, représentant la Grève/Marche des jeunes pour le climat dans le canton de Vaud, Susana Jourdan, cofondatrice des Artisans de la transition, qui promeuvent activement les changements pratiques aujourd’hui indispensables et dont les travaux sont relayés par la Revue durable, Charles Kleiber, ancien directeur général du CHUV et ancien secrétaire d’Etat vaudois, Sandro Leuenberger, ancien manager dans l’industrie chimique, aujourd’hui engagé bénévolement comme chef de projet de l’Alliance climatique suisse, Luc Recordon, ancien conseiller aux Etats, Philippe Thalmann, professeur d’économie à l’EPFL. Les Grands-parents pour le climat étaient représentés par Laurence Martin, leur coprésidente.

Personne (individus, entreprises, corporations, banques, caisses de pensions, gouvernements) n’a seul les moyens de résoudre le problème. Et ne croyons pas ceux qui manifestent une foi inébranlable dans les prouesses à venir des technologies qui régleraient d’un coup de baguette magique les problèmes dramatiques et urgents actuels. L’action de Divest-Vaud est une démarche pertinente qui doit d’abord concrétiser son objectif (une rencontre avec le Conseil de la CPEV est prévue après l’été), puis rester un acteur de l’indispensable mobilisation mondiale pour le climat. Le bien-être de nos petits-enfants nous importe.

L’auteur est ancien médecin cantonal vaudois, membre de Grands-parents pour le climat.

Opinions Agora Jean Martin Climat

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