La charge des primes reste trop élevée
Le parlement voulait que la franchise minimale s’adapte à l’évolution des prix et augmente chaque année automatiquement de 50 francs. Par chance, cette décision inepte a été corrigée lors du vote final de la session de printemps; et c’est tant mieux, parce que le budget des ménages est aujourd’hui déjà plombé par les primes d’assurance-maladie. La pratique de plusieurs cantons en matière de réduction de primes est également responsable de cet étranglement puisque cette réduction n’empêche plus les personnes de tomber dans la pauvreté. Les cantons doivent prendre leurs responsabilités sur cette question.
Pour l’instant, le parlement a décidé de ne pas adapter annuellement les franchises d’assurance-maladie à l’augmentation constante du coût de la santé. C’est une bonne chose. Mais la menace n’est pas complètement éliminée. En effet, le monitorage de la réduction de prime de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) montre qu’aujourd’hui déjà, les ménages sont trop sous pression. Dans douze cantons, la charge des primes d’assurance-maladie sur le revenu disponible des ménages dépasse 15%.
Dans les cantons de Zurich, de Lucerne et de Bâle-Ville, cette charge est de 16%. Elle est de 17% dans les cantons de Berne, de Neuchâtel et de Genève. Et de 18% dans les cantons du Jura et de Bâle-Campagne. Selon le modèle de ménage, la situation dans ces deux cantons est encore pire: dans le Jura, les primes pèsent sur le revenu disponible d’une famille avec deux enfants de 20% en moyenne. Dans le canton de Bâle-Campagne, un couple avec deux jeunes dans le ménage paie même 23%.
Lucerne a été rappelé à l’ordre par le Tribunal fédéral. L’augmentation des primes d’assurance-maladie devenant insupportable pour les personnes à faible revenu, certaines se sont plaintes à Lucerne. Mais le Tribunal cantonal a rejeté ces plaintes. Les personnes ont donc recouru jusqu’au Tribunal fédéral. Ce dernier est parvenu à la conclusion que le canton de Lucerne n’avait pas mis en œuvre la péréquation sociale et que trop peu de personnes étaient concernées par la réduction de primes.
Les cantons jouissent d’une grande liberté de choix dans la définition du seuil de revenu en dessous duquel, conformément à la Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), les réductions de primes doivent être accordées. Et si, comme dans le canton de Lucerne, c’est seulement la tranche de revenus les plus faibles qui peut prétendre à la réduction, c’est que ce seuil est trop bas. L’effet de prévention de la pauvreté ne fonctionne plus.
Le canton de Lucerne n’est pas le seul à exercer une mauvaise pratique dans le domaine. On sait, ou on soupçonne, que dans quatorze cantons, le seuil de revenu donnant droit à la réduction de primes d’assurance-maladie est exagérément bas. D’ailleurs, des interpellations sont en cours dans plusieurs cantons.
Une réglementation contraignante doit permettre de garantir une véritable prévention de la pauvreté. La réglementation en matière de réduction de primes est de la compétence des cantons et elle est appliquée de manière variable. Seuls les cantons des Grisons, de Vaud et de Schaffhouse ont posé une base juridique réglementant la charge maximale possible sur les ménages.
Dans la grande majorité des cantons, la réduction de primes est devenue un objet de manœuvre pour les programmes d’épargne cantonaux. Ces cantons n’ont pas adapté la réduction de primes à l’augmentation des coûts. On puise de plus en plus dans le pot des réductions des primes pour couvrir les besoins des personnes bénéficiant de l’aide sociale ou ayant droit aux prestations complémentaires. Et il reste trop peu d’argent pour les réductions effectives des primes d’assurance-maladie qui devraient permettre aux ménages de ne pas sombrer au-dessous du seuil de pauvreté. Il faut donc inscrire dans la loi une réglementation véritablement contraignante. Les ménages devraient employer au maximum un salaire mensuel pour les primes d’assurance-maladie.
L’auteur fait partie du secteur Etudes de Caritas Suisse.