Philosophie (empirique) de Marx
Marx a été philosophe, mais n’a eu de cesse de critiquer la philosophie en tant qu’il s’agissait de la «dépasser»; ce qui lui a d’ailleurs peut-être valu d’en être un temps mis de côté. C’est précisément le rapport de Marx à cette discipline que le Groupe genevois de philosophie a voulu interroger en organisant un cycle de conférences sur «Marx et la philosophie», à l’occasion du 200e anniversaire de la naissance de cet auteur. Or, cet anniversaire coïncide avec le retour de Marx en sciences humaines et sociales, suscité par les grandes crises ayant secoué le capitalisme autour de 2008. Ceci donne donc aussi l’occasion d’interroger le rapport de la philosophie de Marx (étant admis qu’il y en a une) à ces autres sciences.
Souvent résumés comme consacrant une approche déterministe – économiciste – ou abandonnés pour des motifs politiques par la science économique mainstream, les travaux d’économie politique marxiens – de philosophie économique – offrent pour la compréhension du capitalisme des outils encore largement valables (théorie de la valeur, théorie des crises, etc.). C’est particulièrement dans son rapport aux objets empiriques que Marx offre des outils à notre époque. Ni une application de la philosophie à un autre terrain ni une exploration de cas, mais une véritable philosophie de la matière – faite de corps, de nerfs, de sang, mais aussi de flux, de pensées et de forces. Camilla Brenni abordera cette question le 3 juin 2019. Elle explorera le traitement par Marx de cette matière empirique, lequel emprunte aux économistes leurs outils tout en critiquant leur empirisme trop spontané. C’est donc de Marx, de philosophie et des manières d’appréhender le monde (afin de le changer, comme le soulignait la 11e «Thèse sur Feuerbach» à laquelle nous faisions référence en début de cycle1>«Les philosophes ont seulement interprété le monde de diverses manières, ce qui compte, c’est de le transformer.» Selon la traduction de Pierre Macherey, in Macherey P., Marx 1845 – Les «thèses» sur Feuerbach, 2008, Amsterdam, Paris.) qu’il sera question.
Cette conférence clôturera notre cycle, dont l’enjeu consistait à décliner les différentes dimensions de la relation ambiguë que Marx entretenait avec la philosophie: philosophie de Marx, Marx et ses philosophes, philosophie après Marx, Marx relu par la philosophie. Ce parcours éclaire la complexité de cette relation. Plus fondamentalement, il s’agit de penser la place de ce philosophe dans son horizon, dans notre époque de «capitalisme tardif» et, surtout, d’explorer les voies permettant de repenser un véritable engagement de la philosophie dans ce monde où elle s’inscrit.
Notes
Les trois auteurs font partie du Groupe genevois de philosophie.
Conférence de Camilla Brenni: lundi 3 juin 2019 à 18h15, Uni-Mail, salle M1170, Genève. Entrée libre.