Armement: salutaire sursaut
La coalition contre les exportations d’armes dans les pays en guerre civile a annoncé ce mercredi que son initiative dite «correctrice» a récolté en quelques mois le nombre de signatures nécessaires. Quelque 130 000 paraphes ont d’ores et déjà été engrangés. Le texte sera déposé le 24 juin, une année avant la date butoir légale!
Ce qui est une bonne nouvelle, tant les quelques garanties accordées en 2008 par le Conseil fédéral pour contrer une initiative du Groupe pour une Suisse sans armée avaient été vidées de leur contenu à coups de clauses dérogatoires. Résultat: des fusils d’assaut suisses ont été retrouvés au Yémen et des grenades estampillées à l’arbalète en Syrie.
D’autres pays se posent les mêmes questions. L’Allemagne a suspendu les ventes d’armes à l’Arabie saoudite après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi; la France, qui a tranquillement continué son commerce meurtrier considérant qu’un embargo serait «démagogique» – dixit le représentant de commerce Emmanuel Macron – est rattrapée par la polémique causée par l’emploi de sa technologie de pointe dans la sordide guerre du Yémen.
Plus discrets que les assureurs, en Suisse, les marchands de canons pèsent lourd aussi: quelque 40 parlementaires font partie du lobby de l’armement (le Cercle de travail pour la sécurité et les technologies de défense)!
Dans ces conditions, inscrire dans la Constitution fédérale – et subsidiairement dans la loi – ce principe élémentaire d’une interdiction d’alimenter les conflits entre Etats ou internes est sans doute la seule garantie contre la toute puissance du lobby militaro-industriel.
La rapidité avec laquelle les signatures ont été engrangées est de bon augure. Même si la prudence reste de mise. Ces intérêts économiques vont se mobiliser massivement pour défendre leurs prébendes. Comme pour les F/A-18, où ils avaient réussi à retourner une opinion publique pourtant hostile au départ. Il importera d’opposer une position politique ferme à leurs jérémiades annoncées qui mêleront défense de l’emploi et appel au réalisme, avec comme argument que «d’autres feraient bien pire». Comme si cela constituait une excuse pour violer les droits fondamentaux et la dignité humaine.