Édito

Barrage à Vox

Barrage à Vox
KEYSTONE
Espagne

Des millions d’Espagnols ont fait barrage. A la montée attendue de l’extrême droite, l’Espagne solidaire et plurinationale a répliqué en retrouvant hier le chemin des urnes pour des élections législatives dont la participation a grimpé à près de 76% (+9). En tête, les socialistes (PSOE, 29%, +6) – revigorés par le virage à gauche imprimé par Pedro Sánchez – n’ont toutefois pas complètement résolu leur problème: malgré un recul moins marqué que craint de Podemos – 14% (-7%) –, la gauche a toujours besoin du soutien des nationalistes pour gouverner.

Reste qu’à l’heure où nous mettions sous presse, un nouveau gouvernement Sánchez paraissait probable, le PSOE étant en mesure d’obtenir une majorité sans le soutien des souverainistes catalans, dont le refus du budget 2019 avait provoqué le scrutin anticipé.

Pour la droite, le Grand Soir annoncé après sa victoire en Andalousie a tourné à la bérézina. Au jeu du «qui sera le plus réactionnaire»,  Ciudadanos (16%, +3) et le Parti populaire (17%, -16) se sont fait cannibaliser par le petit dernier, Vox (10%). Et si ce parti a bien fait sortir de leur léthargie quelques abstentionnistes fascisants, il a surtout récupéré l’électorat ultraconservateur qui s’était réfugié depuis la chute de Franco au sein du PP.

En légère progression, Ciudadanos n’a a priori pas davantage le sourire, lui qui misait gros sur son rôle proactif dans la crise catalane. Naguère présenté comme une alternative centriste, le mouvement d’Albert Rivera semble condamné à disputer l’électorat conservateur à ses seuls alliés potentiels. A moins qu’une énième dédite n’amène M. Rivera à soutenir un exécutif socialiste. On peut cependant douter que le leader du PSOE, qui vient tout juste de reconquérir le cœur de millions de socialistes, prenne le risque de revirer à droite. Mais avec l’insaisissable Sánchez, mieux vaut ne jurer de rien…

Dans cette Espagne fragmentée, l’arrivée de Podemos puis celle de Vox ont ravivé le clivage gauche-droite. Le PSOE lui doit aujourd’hui sa frêle victoire. Mais il ne doit pas se faire d’illusion car la polarisation autour de l’axe centralisme/régionalisme s’est aussi renforcée. Le séparatisme catalan obtient un score historique dans un scrutin national (39%) dans un contexte de participation record. Un message limpide adressé aux apprentis sorciers qui croyaient que suspendre l’autonomie catalane et incarcérer les meneurs allait endiguer le séparatisme…

Puisse le futur gouvernement s’en souvenir. Sans solution politique à la question catalane, l’Espagne est condamnée à la crise permanente.

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