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«Des villages sont coupés du monde»

Un mois après le cyclone au Mozambique, l’ONG suisse Medair vient en aide aux régions isolées.
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Les puits étant endommagés, les gens s’approvisionnent dans les rivières, où l’eau n’est pas potable. KEYSTONE
Mozambique

Un mois après le cyclone Idai qui a dévasté plusieurs régions du Mozambique, l’aide internationale est plus nécessaire que jamais. Paola Barioli, responsable de la communication d’urgence pour l’organisation caritative Medair basée en Suisse, est arrivée sur place il y a près d’un mois. Entretien.

Vous étiez lundi en déplacement dans le district de Nhamatanda, une véritable expédition vu l’état des routes…

Paola Barioli: Oui, nous avons mis près de cinq heures pour atteindre le village que nous voulions aider. Il n’a reçu qu’un peu d’aide alimentaire par hélicoptère. Après un trajet par la route, nous avons dû laisser notre véhicule tout-terrain pour continuer, soit en bateau soit à pied, dans des champs parfois inondés. Plusieurs fois nous avons dû retirer nos chaussures et avions de l’eau jusqu’aux genoux.

Comment décririez-vous la situation dans les zones sinistrées?

«Des villages sont coupés du monde»

A Beira, on observe un progressif retour à la normale. L’électricité est en partie rétablie et internet fonctionne mieux chaque jour. En revanche, il faudra des années pour reconstruire les bâtiments et les infrastructures. C’est en dehors de Beira que les besoins sont les plus urgents, d’autant plus que certaines zones sont toujours difficilement atteignables en raison des inondations qui perdurent. De nombreuses routes sont encore fermées et des villages sont coupés du monde.

Quelles sont les urgences à l’heure actuelle?

C’est la sécurité alimentaire. Avant le cyclone, le Mozambique avait souffert d’une sécheresse et la récolte s’annonçait assez maigre. Les vents violents ont détruit les cultures. Le problème, c’est que dans ce pays, il n’y a en général qu’une récolte annuelle, vers avril-mai. La prochaine saison des semailles, c’est en novembre. Il n’y aura ainsi pas de récolte importante avant le printemps 2020. Il faut donc non seulement distribuer des semences (perdues lors de la catastrophe), mais aussi de l’aide alimentaire. D’après le Programme alimentaire mondial de l’ONU, ce sont 1,7 million de personnes qui ont besoin d’une aide d’urgence dans les quatre provinces les plus touchées.

Et au niveau sanitaire?

Le cyclone et les inondations ont endommagé les puits. La population en a creusé de nouveaux, mais l’eau est souvent contaminée. Parfois, les gens s’approvisionnent dans les rivières, mais là aussi, l’eau n’est pas potable. L’usine qui fabrique une solution à base de chlore, appelée Certeza et permettant de purifier l’eau, a dû fermer pendant quelques jours. Et comme la demande a augmenté, cela a créé des retards dans l’approvisionnement.

Dans les zones que Medair a visitées dans les districts de Chibabava et de Nhamatanda, on observe une hausse des diarrhées aiguës. Et à Beira principalement, il y a eu une épidémie de choléra qui a touché 4000 personnes et a provoqué six décès. Début avril, le gouvernement a lancé une campagne de vaccination avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé.

Que fait Medair sur place?

Notre organisation est spécialisée dans l’aide d’urgence et dans l’étape qui suit une catastrophe, entre humanitaire et développement. Au Mozambique, nous avons distribué des kits pour construire des abris provisoires (bâches, cordes, couvertures, moustiquaires, etc.). D’après le Gouvernement mozambicain, 239 731 maisons ont été détruites par le cyclone et les inondations. Nous remettons également des kits d’hygiène (filtres à eau, chlore, savons, etc.) pour prévenir les maladies d’origine hydrique. Notre objectif est d’atteindre 20 000 personnes en trois mois. Nous évaluerons ensuite les besoins et verrons si notre présence au-delà d’un trimestre est nécessaire.

Quelques jours après la catastrophe, la Chaîne du bonheur a lancé un appel aux dons. Vous faites partie des organisations bénéficiaires. Qu’allez-vous faire de cet argent?

Nous allons soumettre un projet pour apporter des kits d’abris d’urgence et d’hygiène aux régions qui n’en ont quasiment reçu aucune jusqu’à maintenant. Il s’agit de plusieurs villages dans les districts de Chibabava et de Nhamatanda.

Que peuvent faire les autorités du Mozambique, l’un des pays les plus pauvres du monde?

Les nombreuses organisations présentes sur place, comme les différentes agences de l’ONU, le CICR, Médecins sans frontières, Caritas, notamment, travaillent en étroite collaboration avec le Gouvernement du Mozambique. L’ONU a créé une plateforme de coordination en collaboration avec les autorités à l’aéroport de Beira, un bâtiment qui a survécu à la catastrophe. Le gouvernement fait ce qu’il peut, mais les besoins sont immenses et sans aide internationale, il ne pourra pas y répondre. LA LIBERTÉ

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