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La personnification du privilège de l’homme blanc

Ruth Noemi Bendel revient sur les protagonistes impliqués dans l’affaire de cyber-harcèlement «la ligue du LOL»: «Une histoire de mâles alpha blancs et hétérosexuels».
Société

L’affaire a secoué les médias francophones: articles, podcasts, émissions TV… La ligue du LOL. Ce boy’s club majoritairement composé d’hommes blancs occupant des postes de cadres dans des grandes rédactions françaises a révélé des pratiques sociétales d’humiliation et de domination extrêmes.

La ligue du LOL était un groupe privé Facebook actif dès le début des années 2000 jusqu’au milieu des années 2010. Ses membres des journalistes et publicitaires, dont certains déjà très influents sur le réseau social Twitter. Une influence utilisée à des fins problématiques. Nombreux sont les témoignages de jeunes femmes journalistes, militantes féministes, membres de la communauté LGBT qui ont subi des raids humiliants, misogynes, racistes ou homophobes. Cette ligue du LOL était une bande de potes qui se concertaient pour cyberharceler des pairs ou «silencer» des personnes qui osaient dénoncer des injustices sociales, au moyen de tweets, canulars téléphoniques, diffusion d’informations personnelles des cibles. Des vagues de harcèlement qui ont poussé certaines à bout, jusqu’à quitter Twitter. D’autres n’osaient plus sortir de chez elles, ou remettaient en cause leurs capacités et leurs compétences professionnelles.

Les harceleurs se sont hissés à des postes de cadres intermédiaires, voire supérieurs en devenant par exemple rédacteurs en chef. Puis le féminisme est devenu un sujet phare. Les mêmes harceleurs se sont alors essayés à la tendance, ont vu que la sauce prenait et ont instrumentalisé la cause en vue d’en gratifier leur propre représentation. Ceux-là mêmes qui, quelques années plus tôt, s’étaient mis en meute afin d’attaquer des militantes féministes, pour beaucoup journalistes, sur leurs revendications. Et qui s’étaient cooptés pour gagner des fonctions importantes et faire carrière dans les plus grandes rédactions de France.

Ces hommes harceleurs partagent plusieurs points communs: ils sont blancs, ont du pouvoir et, au vu des sorties homophobes qu’ils ont pu proférer, sont très probablement hétérosexuels. Vous additionnez le tout et vous obtenez le privilège de l’homme blanc.

Quant à leurs excuses, elles laissent à désirer: ils «étaient jeunes», «voulaient s’amuser», «n’apparentaient pas leurs actes à du harcèlement». Des échappatoires bien trop faciles et qui ne sont pas passées: ils avaient conscience de ce qu’ils faisaient, de la position sociale qu’ils occupaient et de la nécessité de préserver à tout prix leurs prérogatives.

La ligue du LOL, c’est l’histoire de mâles alpha blancs hétérosexuels qui ont écrasé toute personne remettant en question leurs privilèges, dans le but de se hisser à des postes de pouvoir et maintenir leur statut.

L’auteure est étudiante et militante afro-féministe, à Lausanne.

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