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Une fausse bonne idée

Sébastien Lambelet explique qu’accepter l’initiative contre le mitage contribuerait à accentuer le phénomène, au lieu de le résorber.
Initiative

L’initiative «Stop mitage» défend une cause noble, mais elle fait fi des compromis conclus par le passé. En 2008, Patrimoine suisse avait déjà déposé une initiative qui voulait geler l’extension des zones à bâtir (ZAB). La loi actuelle sur l’aménagement du territoire résulte d’un compromis entre les initiants de l’époque et les autorités. Elle prévoit déjà des mesures pour réduire les ZAB surdimensionnées, protéger les surfaces agricoles les plus fertiles et renforcer les autorités fédérales. Si la Confédération ne valide pas son plan directeur, un canton n’est plus autorisé à étendre ses ZAB. Les effets de cette nouvelle législation sont substantiels. Depuis 2012, la surface totale des ZAB est restée stable, leur densité d’habitants a augmenté (+6,2%) et leur densité d’emplois a bondi (+32,5%).1>Statistique suisse des zones à bâtir 2017, publiée par l’OFS.

Actuellement, les ZAB ne recouvrent que 5,6% du territoire helvétique. Les cantons de Zurich, de Bâle-Ville, de Genève et de Zoug possèdent les ZAB les plus denses et les plus accessibles en transports publics. Toutefois, à l’exception de Genève, ces cantons urbains possèdent peu de réserves de ZAB. A l’opposé, le Valais, Fribourg ou le Jura possèdent d’importantes réserves de ZAB dont la densité est faible et qui sont difficilement accessibles en transports publics. L’initiative complexifierait donc le développement des villes et des agglomérations, alors qu’elle pousserait les régions périphériques à construire dans des lieux peu accessibles et peu attractifs. En outre, les cantons et les communes ayant le moins respecté les règles du jeu fédérales jusqu’à présent seraient récompensées, car elles pourraient vendre leur quota de ZAB excédentaire à prix d’or aux régions urbaines. A l’opposé, les grandes villes seraient confrontées à une flambée des prix du foncier et devraient débourser des deniers publics supplémentaires pour modifier le zonage, une compétence jusqu’ici gratuite. Dans ces conditions, contraindre les propriétaires-investisseurs à construire des logements d’utilité publique et des espaces de verdure au centre des villes, tout en évitant de construire des tours, relèverait de l’exploit.

Finalement, comme l’initiative Weber en 2012, l’initiative contre le mitage générerait un boom de la construction à court et moyen terme. D’une part, les cantons et les communes se dépêcheraient de classer des terrains agricoles en ZAB avant son entrée en vigueur. D’autre part, comme l’initiative prévoit de restreindre fortement les possibilités de construction à l’intérieur de la zone agricole, tous les propriétaires de zones agricoles auraient intérêt à ériger rapidement de nouvelles constructions, avant qu’elles ne soient interdites. Au final, le mitage augmenterait au lieu de diminuer.

Sébastien Lambelet,
assistant-doctorant en science politique et développement territorial à l’université de Genève.

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