Un peu d’honnêteté!
En ma qualité de président de l’Association suisse des locataires (Asloca), je suis stupéfait d’entendre Olivier Feller (PLR/VD), secrétaire général de la Fédération immobilière romande, son homologue suisse allemand, Hans Egglof (UDC/ZH), président de la Hauseigentümerverband, comme les autres élus nationaux bourgeois et nationalistes se la jouer sauveurs des locataires et invoquer de prétendues futures hausses de loyer pour combattre l’initiative contre le mitage du territoire. Ceci alors que ce sont eux qui multiplient les interventions parlementaires pour défaire la lutte contre les loyers abusifs. Leur instrumentalisation de la peur des hausses de loyers est tout simplement scandaleuse.
L’initiative contre le mitage fixe le gel de la zone constructible à sa taille actuelle dans la Constitution fédérale. Toutefois, la mise en œuvre de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), présentement en cours, induira une réduction de la zone à bâtir globale. En d’autres termes, la zone constructible constitutionnelle sera supérieure à celle restant à la fin du processus d’adoption de tous les plans directeurs cantonaux, réserves pour les quinze années prochaines incluses. Il est donc infondé de prétendre que la limite fixée par l’initiative puisse avoir un effet sur les prix du foncier. Certes, la LAT permet d’envisager tous les quinze ans des dézonages supplémentaires en faveur de la zone à bâtir, si le besoin s’en fait sentir. Toutefois, selon l’Office fédéral du développement territorial, la Suisse dispose actuellement de 300 km2 de zone constructible non bâtie, soit de quoi loger une population additionnelle de 1 à 1,5 million de personnes. Le développement urbain est donc loin d’être bloqué par la limite résultant de l’initiative. A cela s’ajoute encore le nécessaire processus de densification des zones à bâtir existantes, comme celui de la zone villas. Il ne s’agit aucunement de construire partout des tours, ce que d’ailleurs l’initiative combat puisqu’elle prône un habitat de qualité et de petites structures. En résumé, la Suisse est donc bien loin d’une pénurie de terrains constructibles qui engendrerait une augmentation du prix du foncier.
Dans les faits, l’augmentation du prix du foncier et celui des loyers est en marche depuis longtemps et cela sans aucun lien avec l’initiative contre le mitage. Cela résulte uniquement de la spéculation visant à accroître la rente foncière. Contre cette spéculation, des mesures peuvent être prises. Par exemple: la limitation du capital étranger sur le marché immobilier, le contrôle des prix du terrain, une forte taxation de la plus-value foncière que d’ailleurs la loi permet, etc. Toutefois, les majorités politiques parlementaires actuelles privilégient les intérêts des propriétaires fonciers au logement abordable.
Enfin, des politiques volontaristes dans divers domaines permettraient de limiter la construction de nouveaux immeubles d’habitation et l’extension du bétonnage. Citons-en deux. D’abord, une limitation drastique de l’affectation de logements à la location en ligne sur des sites comme Airbnb. Lorsque 300 logements sont affectés en Airbnb, ce sont 15 immeubles de 20 logements à construire qui sont soustraits pour la population locale. Un vrai gaspillage de zone à bâtir. Ensuite, avec la pléthore actuelle de locaux commerciaux vides, une réaffectation des surfaces commerciales prises sur des surfaces d’habitation ces cinquante dernières années contribuerait aussi à limiter les nouvelles constructions.
Prétendre que l’initiative contre le mitage va augmenter les loyers est donc pure spéculation! Et il est vrai que les milieux immobiliers et leurs relais politiques sont maîtres en la matière! Sous l’angle des loyers, il n’y a pas d’obstacles à voter OUI!
Carlo Sommaruga est président de l’Asloca suisse.