Au nom de la Macédoine
Le parlement grec débat ce jeudi du droit pour l’Etat voisin de s’appeler «République de Macédoine du Nord». L’affaire est sérieuse car les nationalistes des deux côtés de la frontière l’instrumentalisent afin de renforcer leur influence politique. L’histoire mène à d’improbables querelles d’héritage culturel, par exemple autour du nom de l’aéroport de Skopje (dit «d’Alexandre le Grand» depuis 2006 et débaptisé par gain de paix en 2018). L’appartenance ethnique, hellénique ou slave, sert également de toile de fond à ces démêlés.
Le pays balkanique est admis aux Nations Unies depuis 1993 sous le nom provisoire d’«ex-république yougoslave de Macédoine». Depuis lors, de vives inquiétudes agitent la Grèce quant aux velléités de cet Etat enclavé envers un territoire plus étendu, en direction de Thessalonique. Une région sensible, accordée à la Grèce en 1913 et au cœur d’échanges de population avec la Turquie. Côté macédonien, la mythologie grecque est recyclée par la droite nationaliste en recherche de racines autres celles de l’Empire ottoman ou de la Yougoslavie de Tito.
Mais le torchon brûle-t-il autant qu’on veut nous le faire croire entre Athènes et Skopje? Les élections de septembre approchant, tous les partis grecs cherchent à tirer leur épingle du jeu. Le débat sur la Macédoine a mené au divorce entre le premier ministre Alexis Tsipras (Syriza, gauche) et Panos Kammenos (ANEL, parti souverainiste). En mettant fin à cette alliance contre nature, les deux partis auront les mains plus libres pour les législatives. Affaibli, incarnant l’image désastreuse de celui qui a courbé l’échine devant l’Europe et appliqué ses cures d’austérité, Tsipras a besoin de se réancrer à gauche pour chercher de nouvelles alliances. Des propos raisonnables et ouverts sur le voisin balkanique pourraient servir ses desseins. De son côté, l’ANEL aura toute latitude pour développer un discours nationaliste porteur en Grèce. C’est celui sur lequel surfent, à droite, les conservateurs de Nouvelle Démocratie et Aube dorée (extrême droite).
La tension entre les deux pays est maintenue artificiellement. En réalité, la Macédoine veut aller de l’avant, et vite, en offrant les gages nécessaires. Un rythme intensif soutenu par l’OTAN qui compte sur le déblocage de la situation pour la voir adhérer.
Et tandis que l’attention est dirigée sur les droits d’usage du nom Macédoine, les deux populations subissent les effets de politiques néolibérales brutales, et font face aux privatisations et autres emplois sous-payés. Il est toujours plus facile de flatter les élans chauvins que de répondre à l’urgence sociale.