Capitalisme mortifère
La crise environnementale majeure que nous connaissons, avec le changement climatique, est attribuée par beaucoup à la croissance économique. Si celle-ci joue un rôle significatif dans l’élévation des taux de CO2 dans l’atmosphère, elle ne saurait, à elle seule, expliquer la dégradation de l’environnement. En effet, c’est le fonctionnement intrinsèque de l’économie capitaliste1 et les contraintes qu’elle impose aux acteurs du marché qui constituent la cause fondamentale des atteintes à l’environnement.
Ce qui est consubstantiel au fonctionnement de ce système économique c’est la nécessité pour le capital – représenté par les propriétaires des moyens de production – de réaliser des profits. Sans profits pas de production, donc pas de réponse aux besoins humains. Dans ce cadre, les effets de l’activité économique sur l’environnement ne sont pas pris en compte, dès le moment où ceux-ci viennent en réduction du taux de profit. C’est la raison pour laquelle nous assistons à une externalisation de toute une série de coûts sur la nature et la collectivité. Tout d’abord parce que certains facteurs de production sont fournis gratuitement à l’économie, comme l’air ou encore les matières premières qui sont payées en fonction de leur valeur marchande et non pas en tenant compte de leur nature épuisable.
Pour prendre le cas de l’industrie du charbon, dont nous savons le rôle significatif dans la production de CO2, les frais de la dégradation de l’environnement liés à son extraction et à sa consommation sont reportés sur l’ensemble de la société. Nous pouvons constater ce même processus pour beaucoup d’autres industries, particulièrement l’industrie chimique. Le Tribunal Monsanto a mis en évidence la pollution des eaux, avec ses conséquences sur la santé, liée à l’utilisation de l’herbicide Roundup (glyphosate). Ainsi au Sri Lanka: ce pays a dû interdire ce désherbant utilisé dans les rizières, après avoir constaté une pollution importante des eaux potables avec comme conséquence des maladies des reins chez un bon nombre d’habitants des régions touchées.
Les atteintes à l’environnement sont en elles-mêmes une source de profits intéressante pour le capital. Pensons aux industries et services basés sur la réparation des dommages: traitement des eaux et des déchets de toutes sortes, marché des carbones qui constitue un droit à polluer, etc. En d’autres termes, le capitalisme joue sur deux tableaux, selon la formule bien connue: «pile je gagne, face tu perds». Dégrader l’environnement est une source de profits, réparer les dégâts environnementaux en constitue une autre, indépendamment du fait que ce ne sont pas toujours les mêmes capitaux qui en bénéficient.
Le paradoxe de cette réalité tient dans le fait que dégrader l’environnement crée les conditions du développement de nouveaux marchés et permet d’attirer de nouveaux investissements pour réparer – ou réparer partiellement – les dégâts causés par la production. Du moins tant que les bases mêmes des conditions de la production ne sont pas altérées de manière définitive.
L’auteur est membre de SolidaritéS, ancien député.