Brutal et sourd
La France vit un matraquage, tant sur que dans les têtes. Depuis le 17 novembre, l’Hexagone vit au rythme des «Actes» des «gilets jaunes», sur fond de revendication de justice sociale et de ras-le-bol contre un pouvoir politique et économique taillé pour les plus riches. Visiblement déstabilisé, incapable de trouver une issue politique à cette situation, le gouvernement cherche à gagner ce qu’il s’imagine être un bras de fer. «Ils n’auront pas le dernier mot» martelait le premier ministre Edouard Philippe, lundi sur TF1.
Depuis quelques jours, un ton monocorde prévaut dans les médias: l’extrême droite a infiltré les gilets jaunes; leurs revendications ne sont pas claires; ils sont incapables de s’organiser; ils refusent de manifester pacifiquement; les casseurs sont partout; on ne peut plus laisser faire. Le tout illustré par des images en boucle d’attaques contre les forces de l’ordre. Ce discours ambiant montre un aveuglement face à un mouvement social aux demandes plutôt audibles, auxquelles le gouvernement n’a pas suffisamment prêté attention.
Les agissements des casseurs doivent être dénoncés, de même que les scènes de violence où l’on voyait un corps à terre roué de coups par un attroupement. Le corps à terre était parfois un policier. Parfois un manifestant. L’attroupement, tantôt constitué de gilets jaunes et de casseurs, tantôt de policiers et de CRS.
A l’heure de pousser de hauts cris à l’encontre de la violence derrière nos écrans, réfléchissons à son origine et à ses porteurs. La violence de l’extrême droite compte indéniablement des représentants au sein des gilets jaunes. Dans le même temps, qui se souvient de cette étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po qui créditait les policiers et militaires de 51,5% d’intention de vote frontiste juste avant la présidentielle de 2017?
Se focaliser sur les casseurs, désormais assimilés à des hooligans et non à des citoyens, c’est rejeter dans l’ombre les violences venant des forces de l’ordre. Les gazages et les confiscations arbitraires de matériel. Les mains et visages arrachés de manifestants, parfois descendus dans la rue pour la première fois. Les tirs à bout portant de LBD 40 (plus violents que des flashballs) contre des personnes les bras levés, les tirs dans le dos.
C’est passer à côté de la violence quotidienne qu’affrontent les petites gens. Il y a de tout parmi les gilets jaunes, mais leur colère ne vient pas de nulle part. Elle a éclaté lorsque le gouvernement de Macron a voulu remplacer la taxe des plus riches par une taxe sur les carburants qui touchait le bas de la pyramide. La violence appelle la violence. Par sa politique néolibérale et ses tours de vis sécuritaires, l’Etat français ne cesse de lui fixer de nouveaux seuils. Au final, c’est bien la violence d’Etat qui met les lycéens à genoux.