Édito

Impôts de chagrin

Impôts de chagrin
Le moteur de la rébellion des gilets jaunes, comme souvent dans l’histoire sociale, s’alimente à l’injustice fiscale. Keystone
France

Emmanuel Macron a-t-il réussi à calmer la fronde? Ou ne bénéficie-t-il que d’une accalmie du fait de la répression et de l’approche des fêtes? A défaut de réelle inflexion, le président français ne lésine pas, depuis une dizaine de jours, sur les annonces pour démobiliser les gilets jaunes. Il y avait urgence: la lutte initiée contre la hausse du gasoil commençait à se propager dangereusement aux autres – nombreux – secteurs victimes de la politique de classe du patron de l’Elysée.

Il faut dire que le premier contre-feu allumé par M. Macron le 10 décembre avait de quoi laisser perplexe. Son smic augmenté à la poudre de perlimpinpin cachait mal l’arnaque qui consiste à faire financer un coup de pouce immédiat aux travailleurs par de la dette et une baisse du revenu socialisé. Au mieux, on parlera de tour de passe-passe; plus justement, on y verra l’assurance d’un démantèlement futur de l’Etat et des assurances sociales en faillite.

Or, quoi qu’on pense de cette révolte plurielle, parfois réactionnaire mais aussi capable de générosité, le mouvement des gilets jaunes n’exprime pas un rejet de l’Etat – n’en déplaise aux néolibéraux et à Donald Trump – mais bien le refus de son instrumentalisation par les dominants. Le moteur de cette rébellion, comme souvent dans l’histoire sociale, s’alimente à l’injustice fiscale, ce sentiment d’être mis à contribution pour épargner de plus riches et puissants.

Injuste par essence, car reposant principalement sur l’imposition indirecte (60% des revenus de l’Etat) plutôt que sur des prélèvements progressifs, la fiscalité française aggrave son cas d’année en année: suppression de l’impôt sur la fortune, baisse des impôts sur les bénéfices des sociétés et sur le revenu, passage à la flat tax sur les gains en capitaux, décentralisation, explosion de l’évasion fiscale, banalisation de l’optimisation agressive. A lui seul, le gouvernement de M. Macron a fait cadeau de quelque 5 milliards d’euros annuels aux plus fortunés. Selon un calcul de Capital.fr, «fin 2019, les 2% de Français les plus aisés devraient avoir capté 42% des gains générés par la politique macronienne!»

Dernier coup en date: le quasi-démantèlement de l’«exit tax», naguère concoctée par Nicolas Sarkozy (!), qui privera le pays non seulement d’un instrument de dissuasion face à l’exode fiscal mais aussi de centaines de millions d’euros de recettes directes. Probablement davantage que ce que rapportera l’encore nébuleuse taxation des entreprises numériques, type Google ou Facebook, annoncée bruyamment lundi par Bercy.

Et le phénomène dépasse largement la France, les données de l’OCDE 1>Statistiques des recettes publiques et Tax Policy Reforms. montrant une tendance globale à la hausse des taxes et à la baisse ou à la stagnation des impôts. Du coup, plutôt qu’à l’extinction de l’incendie français, on pariera sur sa prochaine propagation à d’autres pays.

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