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Livres: la critique prise de vitesse

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Espace consacré à la littérature suisse au Salon du livre de Genève. KEYSTONE/Martial Trezzini)
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Il devient de plus en plus difficile, pour les journalistes littéraires, de suivre de manière satisfaisante l’actualité éditoriale. Une récente étude sur l’évolution du marché du livre entre 2007 et 2016 signée Olivier Donnat, spécialiste des pratiques culturelles en France, a le mérite d’étayer de façon statistique et argumentée cette intuition grandissante. «Le nombre de nouveaux auteurs a augmenté de 36% depuis 2007, relève dans nos pages l’écrivain romand Jérôme Meizoz. D’après les chiffres d’Olivier Donnat, l’immense majorité de ces nouvelles publications n’atteignent pas les cent exemplaires vendus…»

Si l’analyse de Donnat porte sur le marché français, la Suisse romande a vu elle aussi sa production éditoriale prendre l’ascenseur de manière impressionnante en quinze ans – parfois au détriment de la qualité. La croissance du nombre de petites maisons d’édition, d’auteurs et de titres publiés chaque année a suivi la même logique qu’en France: elle est allée de pair avec une explosion des rencontres et manifestations littéraires, dont on pourrait se réjouir si elle ne s’accompagnait pas d’une chute des ventes par titre. Résultat: les nouveautés se succèdent à un rythme de plus en plus rapide et les rédactions croulent sous les livres reçus.

Pendant ce temps, les médias sont en crise. Le Courrier, lui, n’a ni diminué ni augmenté ses ressources destinées à la rubrique littéraire [un poste à 60% et quelques pigistes]. Mais ces livres toujours plus nombreux courent davantage qu’avant le risque d’être accueillis par le silence. Face à cette accélération de la production – en porte-à-faux avec le rythme lent de la lecture et de l’écriture –, la visibilité devient un enjeu crucial pour les auteurs et les éditeurs. Et les journalistes littéraires s’interrogent parfois sur le sens de leur métier.

Comment lire vraiment, s’il faut lire toujours plus vite? Faudrait-il remplacer la critique par des articles plus rapidement écrits, résumés commentés, interviews? La promotion remplacera-t-elle à terme l’argumentation, l’attention au style? Les blogs des lecteurs sont-ils l’avenir de la discussion autour des livres ou verra-t-on émerger davantage de blogs critiques? C’est aussi le rôle de la presse littéraire traditionnelle qui est remis en question par cette accélération du marché.

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