Deux poids, deux mesures
Décidément, la majorité parlementaire fédérale a fait sienne la logique politique de la droite extrême ultralibérale, représentée en Suisse par ce qu’il est convenu d’appeler l’aile zurichoise de l’UDC. Le 25 novembre prochain, parmi les trois objets soumis au vote, deux s’attaquent de front à l’Etat de droit démocratique et aux minorités fragilisées de notre société.
D’une part, l’initiative «Le droit suisse au lieu de juges étrangers» rebaptisée opportunément «Initiative pour la démocratie directe et l’autodétermination» nous propose de ne plus reconnaître les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme et donc de facto de résilier notre adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), garante des libertés fondamentales et protectrice des minorités. C’est donc tout le contraire d’une démocratie qui nous est concocté, puisqu’une infime majorité du peuple suisse pourrait voter des lois liberticides contre lesquelles il n’y aurait aucun recours possible, la Suisse ne connaissant pas de Cour constitutionnelle.
D’autre part, la modification de la Loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) nous propose d’autoriser les assurances (AI, accidents et chômage, mais aussi AVS, perte de gain, maladie et même nos chères caisses maladie) à nous espionner en cas d’indices concrets d’obtention indue de prestations – que ce soit du fait d’une fraude ou par erreur commise par l’assurance elle-même. Il n’est pas prévu qu’un-e juge doive autoriser une telle intrusion dans la sphère privée des gens. Or, dans le cadre de l’AI, par exemple, et de son propre aveu, une surveillance sur deux se solde par le constat que les prestations ont bien été versées à raison.
Ces deux objets vont tous deux dans la même direction, dans le sens où ils s’attaquent tous deux aux minorités fragilisées de notre pays. D’un côté, la dénonciation de la CEDH aura sans nul doute des conséquences désastreuses pour les minorités mal représentées par des lobbys dans la salle des pas perdus [du Palais fédéral] et qui pourraient faire les frais de la chasse aux sorcières orchestrée par les néoconservateurs de plus en plus décomplexés à l’extrême droite de l’échiquier politique.
De l’autre, la création d’une base légale pour l’espionnage incontrôlé des assurés par les assurances sociales s’attaque aux personnes fragilisées économiquement ou dans leur santé en partant de l’idée qu’elles sont forcément potentiellement fraudeuses et malhonnêtes.
Pendant ce temps, les Chambres fédérales ont voté un projet pour faire suite à l’échec de la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE III). Les changements au volet imposition sont tellement minimes qu’on pourrait à peu de choses près parler d’une RIE III bis repetita. Quant au volet de «compensation sociale» par le renflouement de l’AVS, les fonds seront pris dans les poches des travailleurs et des travailleuses.
En bref, la logique reste toujours la même. On prend aux pauvres pour donner aux riches. Si l’initiative liberticide de l’UDC paraît pour l’heure heureusement vouée à l’échec selon de récents sondages, la modification de la LPGA semble, elle, passer haut la main puisqu’elle trouverait grâce aux yeux des deux tiers du peuple suisse. Mais il n’est pas trop tard pour barrer la route à la droite extrême et ses sbires – en déposant un non massif dans les urnes contre l’espionnage incontrôlé des assurées. Et tant qu’à faire, signons le référendum contre la «Réforme fiscale et financement de l’AVS» (RFFA) – sorte de compromis pourri créant de nouvelles possibilités aux grands groupes multinationaux d’éviter de payer «trop» d’impôt alors que le financement additionnel de l’AVS est – logiquement – pris dans les poches des travailleurs et des travailleuses.
L’auteur vient de Begnins (VD).