Arme de dissuasion massive
Le flic qui, selon l’adage, dort au fond de chaque Suisse tend à se réveiller ces jours-ci. La campagne autour de la loi autorisant une surveillance aux relents orwelliens des assurés sociaux débouche sur une stigmatisation de très mauvais aloi des usagers de cet édifice social.
La bride laissée au cou des organismes de mutualisation des risques est très lâche. Les détectives privés auront une latitude plus grande pour espionner les malheureux dans le collimateur de ces institutions plutôt que les vrais criminels. Si ce texte passe, comme cela semble malheureusement s’annoncer, il ne faudra pas s’étonner si un drône volette devant votre chambre à coucher.
Ce climat de suspicion généralisée est de mauvais augure; il ouvre la voie à d’autres types d’intrusion dans la sphère privée. En particulier le flicage des comportements à risques dans le cadre de l’assurance-maladie.
La chasse aux présumés fraudeurs est bien dans l’air du temps, en ce qu’elle répond au bon vieux réflexe du bouc émissaire et autres moutons noirs. Et tant pis si la fraude aux assurances sociales n’est qu’une goutte d’eau par rapport à d’autres fraudes, celles à la fiscalité notamment. Car, là, le Parlement-chiourme en matière d’assurances sociales se fait soudain plus caressant. N’était-il pas prêt, il y a quatre ans, à ancrer dans la Constitution le secret fiscal au nom du respect de la sphère privée.
S’agissant de cette propension à éluder l’impôt en Suisse, le professeur Sébastien Guex estime à 20 milliards les pertes pour les caisses publiques1>Guy Zurkinden, «Refuser la Chasse aux Assurés», sur le site du SSP -VPOD . A mettre en regard avec les 4 millions récupérés sur l’AI à la suite de l’usage de détectives privés (sur un total de prestations s’élevant à 6,5 milliards de francs!) ou les 12,5 millions de fraudes détectés à la Suva (sur 4,2 milliards de rentes versées).
Le but de cette loi n’est pas de réaliser de prétendues économies mais bien d’instaurer un climat de défiance à l’égard des potentiels bénéficiaires. C’est-à-dire tout le monde. Elle s’inscrit dans ce climat si détestable visant à réduire à la soumission et à l’impuissance les salariés. Elle n’est pas qu’injuste, elle est surtout dangereuse et réactionnaire.
Notes