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A Genève, le ridicule ne tue pas!

Matteo Campagnolo revient sur différentes affaires qui ont émaillé les exécutifs genevois (Ville et canton) en 2018.
Politique

Que l’année 2018 a été chaude! Un record, les Genevois s’en sont rendu compte, qui se sentent de plus en plus transportés sous les bananiers.

En janvier, coup de théâtre. Le conseiller administratif chargé des Affaires culturelles abat d’un ukase le directeur de la Bibliothèque de Genève; lui qui jusqu’à la veille soutenait inlassablement que les employés ne savaient suivre leur dynamique directeur sur la voie du progrès et de la modernité. Ce que dix-sept personnes en suivi chez le psy n’avaient pu, le put la Cour des comptes en mettant le doigt sur un dysfonctionnement comptable de 3000 francs. Combien ce revirement subit aura coûté au contribuable, afin de désamorcer un procès fort embarrassant pour l’Administration et pas gagné d’avance, n’a pas été révélé à ce jour, malgré la Loi sur l’information du public et l’accès aux documents (LIPAD), sésame de transparence en vigueur à Genève.

En avril, dans une interview d’une page entière dans un journal bourgeois, censée apporter de grandes révélations sur l’avenir du malheureux Musée d’art et d’histoire, ce même conseiller n’avait, somme toute, qu’une nouvelle à annoncer, laquelle, dans un tel contexte, devait forcément paraître bonne au lecteur: le départ à la retraite du directeur. Ce directeur qui avait tout donné pour faire triompher le choix politique de deux conseillers à la Culture successifs, un dossier complexe, problématique, manquant du charisme pour plaire à la majorité du peuple: beau remerciement. Mais avec ménagement, dans ce cas, comme le disait en privé un ancien conseiller d’Etat: pas avant qu’il n’ait accumulé les années supplémentaires pour grossir sa retraite. L’avenir du Musée peut attendre.

Le printemps s’acheva sur du rififi au Département de l’instruction publique. La conseillère d’Etat affronta la situation avec une redoutable détermination, en s’amputant littéralement de sa secrétaire générale, selon la méthode du bouc émissaire préconisée par la Bible. Une réussite.

Une manœuvre semblable fut tentée par le président du Conseil d’Etat nouvellement élu pour éteindre un scandale qui grimpait autour de sa personne. Il fit long feu, il faut croire que la poudre avait pris l’eau entre-temps.

En automne – pour laisser souffler le Conseil d’Etat? – la Cour des comptes a mis le Conseil administratif sur la sellette. Les conseillers sont choqués d’être traités sans le ménagement dû à leur rang et s’en plaignent. Ils goûtent un peu au climat dans lequel nombre d’employés vivent en permanence, à ce qu’il semble. Par la voix d’une conseillère, on apprend que le travail d’assainissement préconisé par la Cour des comptes ne sera que partiellement accompli…

En particulier, un jeune conseiller administratif admet avoir confondu sa propre carte de crédit avec celle de fonction. Pour faire taire les critiques, il rembourse quelque 52 000 francs, une paille. Et penser que pour l’employé de la Ville en déplacement de service, se faire rembourser un café sur son per diem est le parcours du combattant… Et, ainsi, ce café finit par coûter le triple au contribuable! Bien que ledit magistrat n’ait pas l’âge de la presbyopie, les Genevois feraient bien de lui offrir des lunettes. Si tous mettent la main au porte-monnaie, cela coûtera moins cher que de nouvelles confusions de cartes.

Pas besoin d’être très vieux pour se souvenir que pour 1800 francs de contraventions effacées («tous [mes collègues] le font…»), un ancien maire avait été condamné par le tribunal pour abus d’autorité. Tempi passati!

Que va-t-on encore apprendre avant la fin de l’année? Une chose est sûre, quand ce ne sera pas seulement l’argent détourné, mais les moyens et les énergies détournés de leurs objectifs ou brimés qui feront l’objet des enquêtes de la Cour des comptes, l’électeur et contribuable risque d’avoir encore droit à des contes… drolatiques.

Matteo Campagnolo est chargé d’enseignement à l’Université de Genève.

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