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Couvre-feu perpétuel

Couvre-feu perpétuel 1
A Lausanne, il y a quelques années, une gréviste de la faim entendait faire valoir son invalidité à 100 % survenue à la suite de l'ablation de son utérus. KEYSTONE/PHOTO PRÉTEXTE
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Les personnes les plus fragiles seront les premières victimes en cas de «oui» à la votation sur la surveillance des assurances sociales. A terme, c’est un poids bien plus général qui pèsera sur l’ensemble de la collectivité.
Le Conseil fédéral assure avoir prévu un «équilibre entre le contrôle nécessaire et la protection des droits fondamentaux». La chambre à coucher, par exemple, ne pourra pas être surveillée, ni une cage d’escalier. Pour un balcon en revanche, aucun problème. Outre une éventuelle hausse des ventes de paravents, ce type de dispositions risque surtout de provoquer un sentiment global d’insécurité, de perte d’intimité.

Cette loi impose un ordre de confinement généralisé. Tirez les rideaux, fermez vos fenêtres, abstenez-vous de traverser la route pour quelques achats ou un café en terrasse. La moitié des personnes au bénéfice de l’assurance-invalidité le sont pour des motifs psychiques. Au lieu de les encourager à prendre soin d’elles-mêmes, on les place sous un couvre-feu perpétuel.

Dans les cas de burn-out ou de dépression, par exemple, on perçoit immédiatement le danger de tels signaux. «Les assurances sociales garantissent à tout un chacun une vie dans la dignité et la sécurité matérielle», affirme le Conseil fédéral. Des personnes risquent pourtant la double peine: être espionnées et soupçonnées en plus d’être malades. Alors qu’on a dénombré 630 cas litigieux sur 250 000 rentes versées en 2017, on crée une loi avec des moyens démesurés pour des détectives privés aux ordres des assureurs en raison du 0,25% – un quart de pour cent! – qui s’est un jour vu diminuer ou retirer sa rente.

La santé financière de nos institutions ne dépend pas de ces quelques centaines de cas. Les contrôles sont possibles actuellement et c’est une excellente chose, mais ils sont déjà bien assez intrusifs. En proposant ces méthodes d’espionnage, qui nous dit que ces mêmes moyens ne seront pas étendus au-delà des cas de litiges d’assurance? Après l’affaire des fiches, la Suisse est-elle réellement prête à appeler de ses vœux la récolte de photos, enregistrements et observations par des mouchards? Ah mais bien sûr… «Si on n’a rien à se reprocher, on n’a rien à craindre», dit l’adage. Avez-vous réellement envie de tester vos assurances sur ce point?

Opinions Laura Drompt EDITO

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