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Des armes suisses dans les guerres civiles  

Des armes suisses dans les guerres civiles
Photo KEYSTONE.
EDITO

Combien valent des vies civiles face aux carnets de commande de l’industrie de l’armement? Malheureusement, la balance suisse risque de peser du côté des profits au détriment des droits humains. Selon des informations du Groupe pour une Suisse sans armée, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann aurait décidé, la semaine dernière, de modifier le règlement qui interdit la vente d’armes à destination de pays en guerre civile.

«Consternation.» C’est le mot qui ressort d’une lettre cosignée par vingt-cinq associations et envoyée mercredi au Conseil fédéral. Qu’est-ce qui justifierait pareil assouplissement de la loi? Cela alors que des dizaines de milliers de personnes sont chassées de leur foyer quotidiennement en raison de la guerre, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés?

La réponse est à chercher parmi ceux qui ont demandé à exporter davantage d’armes. Fin 2017, le Tages Anzeiger et le Bund révélaient que treize entreprises, parmi lesquelles RUAG, la Mowag, Thales et Systems Assembling SA, invoquaient leur «délicate situation économique» et des «milliers d’emplois en jeu» pour motiver cette requête.

Rappelons que les guerres civiles sont des conflits délétères, meurtriers, dans lesquelles les populations extrêmement vulnérables subissent un enfer. Alors quoi? Parce que les bombes pleuvent déjà au Yemen ou en Syrie, il n’y aurait pas de raison de se retenir pour l’industrie suisse? La douce Helvétie écoule déjà du matériel militaire à l’Arabie Saoudite, laquelle mène une violente guerre au Yemen, bombardant quotidiennement le pays et lui imposant un blocus meurtrier. Pourquoi ne pas profiter de ce terrain jusqu’au bout? Et aux côtés de l’Arabie Saoudite, à qui la Suisse a vendu près de 180 millions de francs d’armes ces dernières années, citons les autres «gros» clients: l’Inde, les Etats-Unis, le Pakistan, ou encore la France. Autant de puissances belligérantes.

Nos autorités peuvent encore renoncer à ce pas de trop, celui d’ouvrir les portes du marché de pays en guerre civile à nos usines. La raison devrait même les pousser, a contrario, à aller plus loin dans la défense des droits humains. Car les abus sont nombreux et avérés. «Nos» Pilatus ont servi aux bombardements en pleine guerre du Darfour. «Nos» munitions se sont retrouvées en Libye (revendues par le Qatar, avec lequel la Suisse poursuit son commerce) et en Syrie après avoir transité par la Jordanie et les Etats-Unis. La réalité du monde et des conséquences de ce business devraient nous pousser à l’interdiction d’exportation d’armes, pure et simple.

Suisse Laura Drompt EDITO Armement

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