Une initiative contre les droits humains
Le 25 novembre, nous voterons sur l’initiative de l’UDC, «Le droit suisse au lieu des juges étrangers (initiative pour l’autodetermination)». Fort de 35 partis, syndicats et associations de la société civile, le comité romand qui combat cette initiative l’a redéfinie comme «l’initiative anti-droits humains». Pourquoi?
Parce que, sous le couvert trompeur d’autodétermination et de protection contre des interventions extérieures – les juges étrangers –, ce texte s’attaque en fait à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à la protection des droits fondamentaux pour tous.
Les droits fondamentaux sont certes inscrits et garantis par la Constitution fédérale, mais pas de manière absolue. On peut en tout temps, via une initiative populaire, votation, décision du parlement ou décision administrative, les mettre en cause, les modifier voire les abolir. Dans de tels cas, tout citoyen ou citoyenne de notre pays peut faire appel à la Cour des droits de l’homme à Strasbourg, s’il ou elle se sent discriminé-e ou non respecté-e dans ses droits.
Cette Convention et sa Cour représentent donc une garantie ultime contre un possible arbitraire dans les décisions juridiques et pour le respect des droits fondamentaux liés à chaque être humain, indépendamment de sa nationalité, origine, couleur de peau, genre, religion et autres différences.
Le Tribunal fédéral lui-même ne pourrait pas faire respecter totalement nos droits fondamentaux sans s’appuyer (art. 190 de la Constitution fédérale) sur la CEDH et le droit international. Donc l’initiative en question vise, c’est important de le préciser, nos propres juges du Tribunal fédéral et leur indépendance.
Autre mensonge véhiculé par ce texte: la Cour européenne n’est nullement composée de juges étrangers; ces derniers sont désignés par les Etats membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie. Deux juges suisses siègent actuellement à la Cour de Strasbourg.
Revenons aux enjeux de la votation: il s’agit bien, d’une part, de défendre nos propres droits et non des super droits ou interférences venus d’ailleurs et, d’autre part – cela est déterminant –, de défendre les droits des personnes les plus faibles, les moins bien protégées et les plus fragiles (personnes migrantes, handicapées, minorités religieuses, discriminations envers les femmes, etc.). De plus, nombre d’exemples montrent que des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, certes imparfaite, ont contribué à faire évoluer positivement nos législations nationales.
Si cette initiative venait à être acceptée, non seulement nous perdrions un véritable rempart contre des discriminations de toute sorte, mais les autorités suisses se verraient contraintes à renégocier – voire dénoncer – la Convention européenne des droits de l’homme comme bien d’autres traités internationaux dans le domaine des droits de l’enfance et du travail, par exemple.
J’en viens là à une sérieuse préoccupation. Nous entendons dire de-ci, de-là: «De toute manière, tout le monde est contre l’UDC, il n’y a aucune chance que cette initiative passe; pourquoi j’irais voter?» C’est à mon sens un premier danger qu’il faut éviter. Dès que le mot «étranger» est prononcé – on parle de «juges étrangers» –, nous le savons trop bien, l’aspect émotionnel peut prendre le dessus. Il faut donc se mobiliser, informer, convaincre, discuter et inciter notre entourage à aller voter.
Autre danger: les amalgames établis entre la défense des droits fondamentaux garantie par les différents traités internationaux, dont la Convention européenne des droits de l’homme, et une critique de l’Europe actuelle, dont les politiques d’austérité et de gestion des flux migratoires suscitent de moins en moins de sympathie. Si les critiques sont légitimes et nécessaires, ne faisons pas le lit des tendances populistes et souverainistes, représentées par des partis qui, par ailleurs, ne sont pas favorables à l’égalité des droits, à la défense des minorités et des opprimés dans leurs propres pays (comme l’UDC en Suisse ou la Lega de Salvini en Italie).
Ainsi, disons non à l’UDC et à son initiative en valorisant nos propres valeurs: un renforcement des droits fondamentaux pour tous et toutes, une bataille permanente contre toutes les discriminations, une défense sans répit de toutes les minorités et des plus fragiles entre nous.
Sans forcément en faire l’apologie, le droit international est un instrument qui renforce nos droits. Il nous faut le défendre.
* Membre du comité romand: NON à l’initiative anti-droits humains, président de Stopexclusion Genève.
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