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Droits de l’enfant en zone minière

Pays de l’or des Incas et du Machu Picchu dans l’imaginaire collectif, le Pérou reste aujourd’hui une terre de contrastes où le phénomène de traite affecte notamment des enfants. L’action de Terre des Hommes Suisse sur le terrain bénéficie directement à plus de 16 000 personnes. Le Pérou sera mis à l’honneur par la 27e Marche de l’Espoir, le 14 octobre à Genève.
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Prévenir la traite des enfants est l’un des axes de travail de Terre des Hommes Suisse au Pérou. TDHS/CARMEN BARRANTES
Droits de l’enfant

Le Pérou, pour les Européens du XVIe siècle, était l’Eldorado objet de conquêtes, où les princes étaient couverts d’or. Symbole d’abondance et de prospérité, le pays reste riche, aujourd’hui encore, dans de nombreux domaines: le charisme de ses habitants, sa musique, sa nourriture, son multiculturalisme et sa terre.

Son territoire se divise en trois régions naturelles distinctes, les zones côtière, andine et amazonienne, qui comportent toutes autant de paysages, de forêts, de vallées, de plateaux et de hauts sommets. C’est l’un des endroits du monde qui possèdent la plus grande diversité biologique et les plus importantes ressources minérales.

Le pays compte actuellement plus de 30 millions d’habitants, dont plus d’un tiers sont des enfants de moins de 18 ans. Il a connu des changements sociaux, économiques et démographiques importants, dans lesquels les migrations internes notamment ont joué un rôle décisif. Ces déplacements de population initiés il y a plusieurs décennies ont atteint leur apogée dans les années 1980, alors que le pays connaissait un conflit armé interne. Entre 1980 et 2000, une situation de violences politiques sans précédent a dressé un lourd bilan d’assassinats, de disparitions forcées, de tortures, de détentions arbitraires et autres violations des droits de l’homme. Des milliers de familles ont alors subi une migration forcée de leur lieu d’origine, principalement des zones andines et amazoniennes, vers d’autres communautés ou grandes villes – en particulier Lima, la capitale. La plupart d’entre elles se retrouvent dans une situation d’extrême pauvreté.

Malgré une croissance économique en constante progression durant la dernière décennie – +2,5% en 2017 – basée sur ses nombreuses ressources naturelles telles que l’or, le cuivre, le zinc et l’argent, un cinquième de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté, soit 6,5 millions de personnes. Les zones rurales sont trois fois plus touchées que les centres urbains.

Sur le terrain: l’éducation au premier plan

Ces dernières années, le budget en faveur des enfants a également augmenté (28 milliards de soles en 2016, soit plus de 8,5 milliards de francs suisses), mais les inégalités entre régions persistent et il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre les droits des enfants et des adolescents. Sur le plan politique, des lois ont été promulguées, comme celle qui interdit le recours aux châtiments physiques et humiliants à l’encontre des enfants, ou le décret législatif sur les jeunes sans protection parentale. Cependant, les violences principalement familiales passent souvent inaperçues car, par peur, honte ou sentiment de culpabilité, elles ne sont pas signalées.

Terre des Hommes Suisse est présente au Pérou depuis plus de quarante ans. Elle a longtemps soutenu des crèches-garderies dans des quartiers populaires de Lima, actuellement auto-organisées et indépendantes, et a permis à des communautés paysannes dans les zones andines de vivre plus dignement. C’est d’ailleurs dans ces régions isolées que s’est développé le volet Sud du programme Robin des Watts qui, depuis 2009, permet que les économies d’énergies réalisées dans des écoles en Suisse financent l’amélioration des conditions de scolarité d’une centaine d’enfants dans seize écoles andines: rénovation, chauffage solaire, isolation, amélioration sanitaires, installation de potagers.

Aujourd’hui, l’accent est mis sur la protection et l’éducation des enfants en zones rurales. L’association assure à plus de 8000 enfants et jeunes des services éducatifs de qualité, de nouveaux espaces d’accueil récréatifs, ainsi que des méthodes pédagogiques interactives et créatives qui favorisent l’apprentissage. Les partenaires locaux s’adaptent à chaque contexte et à chaque enfant pour transmettre des connaissances et des compétences concrètes utiles au quotidien (par exemple des sensibilisations sur les droits de l’enfant, des informations sur les risques liés à la migration, ou des initiations à l’agroécologie dans les écoles rurales). Par ailleurs, 730 enfants ont pu être maintenus dans le système scolaire grâce des appuis pédagogiques et des bourses.

Une intervention globale

Depuis plus de quinze ans, un programme intitulé «Droits de l’enfant en zone minière» cherche à assurer la prévention des risques liés à la migration auprès des familles, des enfants et des jeunes de la région de Cuzco, dans les Andes, par une connaissance de leurs droits et des dangers qui existent dans la zone d’extraction aurifère d’Amazonie péruvienne: exploitation sexuelle, par le travail, désertion scolaire et autres risques sociaux, sanitaires et environnementaux.

Ces interventions s’accompagnent d’actions de plaidoyer auprès de l’Etat péruvien et des gouvernements régionaux de Madre de Dios et de Cuzco, afin que la population et les victimes de la traite et de l’exploitation aient accès à l’éducation, à un emploi décent et à des soins de qualité.

Miser sur la participation de l’enfant

Près de 350 000 personnes ont ainsi été informées via la campagne «No te dejes engañar» (Ne te fais pas avoir) réalisée en collaboration avec une vingtaine d’autres organisations et les autorités nationales et locales. Elle a permis d’éviter à de nombreuses jeunes filles de se laisser duper par des annonces trompeuses. Des comités de vigilance ont également été créés dans six districts de Cuzco. Ce travail en réseau sur le terrain est complété par la promotion d’alternatives économiques et de meilleures pratiques agricoles pour plus de 3700 personnes. Enfin, 150 enfants et jeunes victimes de violences ou d’exploitation sexuelle ont été pris en charge ces dernières années; l’un des centres d’accueil soutenu pendant vingt ans a même pu être transféré au gouvernement en 2015, garantissant ainsi la pérennité de ce service désormais public. Cependant, une étude présentée au Congrès péruvien l’année suivante a démontré la revictimisation des jeunes filles internées dans ces centres de protection, qui deviennent en réalité des lieux d’enfermement et d’humiliation.

L’Association de protection de l’enfance est désormais un partenaire stratégique du Ministère de la Femme dans la définition d’un nouveau modèle national de prise en charge des victimes d’exploitation sexuelle. Le Pérou est le troisième pays latino-américain au classement du nombre de victimes de l’esclavage moderne (60% concernent des enfants, dont 42% liés à la traite à des fins d’exploitation sexuelle).

L’opinion et la mobilisation des enfants et des adolescents sont essentielles pour initier des changements durables. L’une des premières étapes pour être capable de mieux défendre et de revendiquer ses droits, c’est de les connaître. La plupart des enfants ne sont pas en mesure d’identifier qu’ils sont victimes. Selon l’Institut national de statistique (2015), 39% des mères et 31% des pères estiment qu’il est nécessaire d’utiliser la violence physique pour éduquer leurs enfants, tandis que 44% des enfants et des adolescents estiment que les parents ont le droit de pratiquer ce type de violence.

Aussi, dans les écoles, d’autres institutions éducatives ainsi qu’au sein des familles, des ateliers de sensibilisation aux droits des enfants ont concerné 8300 enfants et jeunes en 2017. «J’ai appris beaucoup de choses, surtout pour éviter les violences à la maison et à l’école, mais aussi à connaître mon corps. Et j’ai aimé l’atelier sur les valeurs», témoigne Negalith Huallpamayta Choque, 12 ans, du district de San Jerónimo (Cuzco).

Par ailleurs, des groupes d’enfants et d’adolescents se sont mis en place pour faire entendre leur voix auprès des autorités communautaires locales et régionales. Ils formulent des propositions pour améliorer leurs conditions de vie, qui concernent tant les espaces récréatifs que la prévention des violences familiales.

Finalement, que ce soit au Pérou, dans un autre pays d’intervention ou en Suisse, Terre des Hommes Suisse encourage la capacité à être acteur de changement, c’est-à-dire l’action concrète pour construire un monde plus solidaire, dans lequel les droits de l’enfant sont respectés.

Trois rendez-vous incontournables

Du 1er au 31 octobre sur le Quai Wilson, à Genève, l’exposition «Le revers de l’or. Droits de l’enfant en zone minière» présente 60 photographies grand format qui racontent les enjeux de l’or dans la région péruvienne du Madre de Dios: des conséquences de l’orpaillage sur les droits de l’enfant au cacao comme alternative originale et pérenne pour les familles. Des visites guidées de l’exposition sont organisées pour les scolaires par Terre des Hommes Suisse.
Inscr. pour les scolaires: sensibilisation@terredeshommessuisse.ch

Marche de l’espoir > Dimanche 14 octobre se déroulera la 27e édition de la Marche de l’espoir. Venez nombreux marcher en solidarité avec d’autres enfants du Pérou et d’ailleurs en Amérique latine.
Inscr. et infos sur www.marchedelespoir.ch

Table ronde >  Jeudi 18 octobre une table ronde sur la question des droits de l’enfant en zone minière aura lieu au Geneva Centre for Security Policy (GCSP) de 18h15 à 20h.
Rens.: www.terredeshommessuisse.ch CO

Lizeth Vergaray Areval et Souad von Allmen travaillent pour Terre des Hommes Suisse.

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