Une violence insidieuse et quotidienne faite aux femmes
Selon l’administration fédérale, pour l’année 2016, les salaires des femmes étaient en moyenne nettement inférieurs à ceux des hommes: de 14,6% dans le secteur privé à 12,5% dans le secteur public. Il n’y a pas encore de chiffres pour 2018, mais on imagine mal que la situation ait drastiquement changé en deux ans. Ces écarts salariaux entre les femmes et les hommes ont été analysés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes. Ils relèvent qu’environ 60% des différences de salaire entre femmes et hommes résultent de facteurs objectifs tels que le travail à temps partiel, l’interruption pour des raisons familiales, etc. Reste une différence de 40% qui ne s’explique pas par des facteurs objectifs. En d’autres termes, il s’agit de facteurs arbitraires.
J’ai mal à mon salaire. En 2009, l’OFS a mis sur pied Salarium, un calculateur de salaire en ligne. Conformément à ce qui est annoncé sur ce site, «le calculateur individuel de salaires Salarium vous offre la possibilité de calculer le salaire mensuel brut pour un poste de travail spécifique et pour des caractéristiques individuelles à choix (…).»
J’ai fait l’exercice, complétant les cinq champs obligatoires du profil – région, branche économique, groupe de professions, position professionnelle dans l’entreprise et horaire hebdomadaire –, ajoutant quelques données optionnelles.
Un tableau de chiffres est apparu distinguant trois cas de figure: les 25% les moins bien payés, les 25% les mieux payés et le salaire médian, pour les hommes d’une part et pour les femmes d’autre part. Dans les trois cas, les hommes ayant un profil similaire au mien sont mieux rémunérés que les femmes: ils recevraient entre 900 et 1200 francs environ de plus par mois, l’équivalent d’un treizième mois d’office! Je suis restée perplexe devant le réalisme brutal de ces chiffres qui avaient néanmoins l’honnêteté d’être là. Pourquoi une telle différence?
Par ailleurs, si le site de Salarium stipule que les résultats ne sont pas à être considérés comme des recommandations salariales, on ne pourra manquer d’être pour le moins interloqué-e, au-delà de la lecture des résultats, par le fait même qu’ils soient présentés de cette manière… En effet, pourquoi faire une distinction entre le salaire des hommes et celui des femmes? Est-ce vraiment ainsi que l’Etat entend promouvoir l’égalité salariale?
Ces chiffres présentés, prétendument, de manière indicative à titre d’information ne deviennent-ils pas incitatifs du simple fait qu’ils soient émis par un instrument officiel mis à disposition par un service de l’Etat, un organe sérieux sur lequel on peut se reposer et se référer? Ne serait-il pas plus judicieux que cet outil ne fasse pas de distinction entre les sexes et propose un salaire résultant d’une moyenne entre le salaire des hommes et celui des femmes?
Un projet dans les mains des politiques. Le 29 mai dernier, par 27 voix contre 15, le Conseil des Etats a approuvé un projet de loi tendant à asseoir l’égalité salariale. Ce projet doit passer devant le Conseil national les 24 et 25 septembre prochains et son approbation n’est rien moins que certaine, bien que le texte soit édulcoré par rapport à ce qui avait été présenté par la commission préparatoire. Il prévoit que toutes les entreprises de 100 collaborateurs ou plus seront tenues d’analyser leur politique salariale tous les quatre ans. Et les autres?
Même si le projet de loi est accepté, la discrimination salariale des femmes perdurera!
* Genève.
En Suisse, l’égalité salariale est ancrée dans la Constitution: Art. 8 al. 3 Cst.: «L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.»