Une occasion manquée
Ce mercredi, le Conseil national empoigne le volumineux dossier de la baisse de la fiscalité des bénéfices des entreprises. Soit, selon la nouvelle appellation en cours, la RFFA (Loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS). Un nouveau nom pour la RIE III, en fait. Ceci dans une mouture passablement verrouillée; qui lie cette réforme au dossier de l’AVS, en promettant un renflouement de l’assurance-vieillesse.
Les paris sont ouverts: le délicat montage tiendra-t-il? Le compromis négocié au Conseil des Etats pose en effet passablement de problèmes.
Démocratique tout d’abord. Le principe même d’un paquet ficelé est quelque peu contraire aux us et coutumes d’un système basé sur les instruments de la démocratie semi-directe. On force ainsi la main aux votants. Pour les initiatives populaires, ce genre de combine est d’ailleurs proscrit.
Politique ensuite. On peut questionner la stratégie du Parti socialiste qui a négocié – en catimini – ce deal avec le centre droit. Ce faisant, il ne tient pas compte des refus successifs par le peuple de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises (RIE III) et du relèvement de l’âge de l’AVS des femmes (PV 2020).
Et financier; enfin et surtout. La RFFA représente un cadeau très généreux fait aux entreprises, qui verront le taux d’imposition sur leurs bénéfices divisé quasiment par deux. Ceci pour garantir l’attractivité fiscale de la Suisse, qui est dans le collimateur pour sa propension aux arrangements fiscaux visant à attirer des entreprises.
Ainsi, ce paquet ficelé participe de la concurrence internationale en matière d’impôts qui bénéficie tant aux multinationales, toujours promptes à jouer la carte de «l’optimisation fiscale». Sur le long terme, cela assèche les caisses des Etats, mine leur capacité sociale et redistributive et, à terme, oblige ces pays à se refaire en taxant plus lourdement les revenus du travail au lieu de ponctionner les richesses produites.
D’autant plus qu’une série «d’œufs de Pâques» ont été introduits dans le dispositif sous forme de déductibilités diverses. Elles alourdiront la facture fiscale. Evaluée entre 2 et 3 milliards de francs, celle-ci pourrait finalement passer à 5 milliards!
Un référendum est annoncé par la gauche de la gauche, les Jeunesses socialistes, probablement les Verts et certains syndicats romands. Les débats d’aujourd’hui auront certes le mérite de clarifier ces enjeux. Mais on reste sur un sentiment d’occasion manquée de mener cette réforme en sachant s’appuyer sur les acquis politiques des deux victoires obtenues lors des derniers scrutins populaires portant sur ces questions.