Édito

Armes suisses hors de contrôle

Soutenir la paix et… la vente d’armes
Manifestation spontanée contre la politique suisse d'armement, Berne, le 9 juin 2018. KEYSTONE
Exportations d’armes

A l’heure où les autorités suisses persistent à vouloir assouplir les conditions d’exportation de matériel de guerre, le Contrôle fédéral des finances (CDF) constate que les législations en vigueur ne sont déjà pas respectées. Et les vérifications insuffisantes. L’industrie de l’armement exploite des failles juridiques pour contourner les règles, et organiser des livraisons via des pays intermédiaires vers des destinations qui ne devraient pas, selon la loi, être approvisionnées par la Suisse. Des grenades suisses sont entrées en possession de terroristes du groupe Etat islamique en Syrie, montrent des photos du SonntagsBlick publiées dimanche. Elles auraient transité par les Emirats arabes unis.

Les organisations comme le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) dénoncent depuis de longues années l’opacité de ce marché et les armes revendues de pays en pays malgré les contrôles en vigueur. Les constats du CDF confirment leurs craintes: les discours lénifiants sur la rigueur des contrôles ne sont là que pour la façade. D’ailleurs, la proximité entre le prétendu gendarme – le Secrétariat d’Etat à l’économie – et les exportateurs est dénoncée dans l’audit du CDF qui appelle à entretenir «une distance critique» à l’égard des entreprises contrôlées et de leurs lobbyistes.

Au-delà du minimum de distance critique requis avec ce secteur économique – qui a écoulé pour 446,8 millions de francs de marchandise à l’étranger en 2017 –, la Suisse devrait enfin songer au meilleur moyen de ne pas faire dépendre des emplois d’un marché mortel. Toute cette énergie et ces usines qui produisent des armes pour un monde déjà saigné à blanc ne seraient-elles pas mieux investies, par exemple, dans la transition écologique?

Plutôt que de réfléchir à des filières de reconversion, le Conseil fédéral souhaite assouplir les conditions d’exportation vers des pays «en conflit interne». Et a vu son idée soutenue cet été par la commission de la politique de sécurité du Conseil national. Rappelons que celle-ci est largement dominée par l’UDC (9 membres sur 25). Il ne fallait pas attendre de cette frange une quelconque sensibilité à l’argument repris jusqu’au Comité international de la Croix-Rouge (CICR): le matériel de guerre finit tôt ou tard par atterrir dans des zones de conflit. Et tout comme un certain nuage radioactif ne s’est jamais arrêté aux frontières, nos armes «swiss made» ne se dissipent pas magiquement à l’approche de pays en guerre. I

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