#Non, c’est non!
Depuis le début des années 1990, à plus de trois reprises, les femmes ont dit non à l’augmentation de l’âge de leur retraite. La dernière fois, c’était en septembre dernier, lorsque le peuple a refusé le projet de réforme prévoyance vieillesse (PV) 2020. Cette réforme prévoyait d’augmenter l’âge de la retraite des femmes et de baisser leurs rentes, cela alors qu’elles ont déjà des retraites misérables. Aujourd’hui, elles survivent majoritairement avec une seule rente AVS. Leur 2e pilier est 57% plus bas que celui des hommes. La faiblesse des rentes des femmes s’explique par le sexisme structurel: les femmes fournissent gratuitement 2/3 du travail au sein du ménage pour une valeur de 400 milliards par an. De plus, elles demeurent discriminées dans leur salaire sur le marché du travail. Les femmes ne sont ainsi pas en mesure de cotiser suffisamment pour le deuxième pilier. A Genève, par exemple, 33% des femmes survivent avec moins que 3000 francs par mois alors que pour les hommes cette proportion est de 11%.
Logiquement, les femmes ont massivement dit «non» à PV 2020 car cette réforme les pénalisait sans offrir une réponse à leurs problèmes. Or, moins d’une année plus tard, le couple Berset-Levrat se comporte comme si nous nous étions exprimées dans le vide. Ils sillonnent la Suisse pour proposer la réforme AVS 21 et tentent encore une fois de convaincre les femmes qu’elles gagneraient à travailler une année de plus pour recevoir moins à la retraite. Or, cette nouvelle reforme présente les mêmes problèmes pour les femmes que PV 2020. De plus, AVS 21 a été couplé avec le Projet fiscal 17 qui prévoit de réduire le taux d’imposition à 13% pour toutes les entreprises. Ceci engendrerait des coupes dans les budgets de la santé, de l’éducation et de la petite enfance. Ainsi, les femmes se retrouveraient à assumer encore plus de travail non rémunéré sans pouvoir subvenir à leurs propres besoins.
En proposant cette nouvelle réforme, Berset-Levrat refusent d’écouter le «non» des femmes. Or, notre retraite n’est pas l’unique sujet où nous parlons dans le vide. Trop souvent, lorsque je sors de chez moi, je me fais aborder par des hommes. Lorsque je dis «non», ils font semblant de ne rien entendre et ne me laissent tranquille que lorsque j’élève la voix. Trop de femmes paient leur refus de ces agressions sexistes par la violence, voire par leur vie.
Le 8 août 2018, des hommes ont tabassé cinq femmes à la sortie d’une boîte de nuit parce qu’elles avaient dit «non». A la suite de cette agression, nous sommes sorties dans la rue et avons appelé à des mesures multiples dans l’éducation, l’aménagement de la ville, la sécurité, mais aussi à être protégées par le biais d’une véritable loi contre le sexisme. Or, là aussi, les politiciens semblent être sourds. A Genève, le Conseil d’Etat en charge de la Sécurité, Pierre Maudet, s’est contenté de dénoncer «des cultures patriarcales». Or le sexisme traverse bien toutes les frontières! Ailleurs en Suisse, les hommes politiques continuent de nier le sexisme et ne proposent aucune solution. La même négation sexiste de la réalité et des voix des femmes se retrouve dans la réforme AVS 21.
En 2017, j’ai été dans la rue et dans des réunions politiques pour dire «non» aux réformes de l’AVS. Je dirais «non» une fois de plus à cette énième proposition d’augmentation de l’âge de la retraite. Lorsque je dis «non» quand un homme m’aborde, je veux que l’on m’écoute. Lorsque je dis «non» en politique, il en va de même. Non, c’est non, aussi pour nos politiciens!
* Présidente de «La Liste» (composée uniquement de candidates) aux élections cantonales genevoises du printemps 2018, politologue.