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Cinquante ans de conflit en Colombie: quel avenir pour les personnes handicapées?

Plus de 200 000 victimes du conflit armé en Colombie ont signalé un type de handicap, selon le registre des victimes. Les activistes colombiens qui défendent leurs droits sont maintenant menacés de mort.
Société

En décembre 2016, le gouvernement colombien et les FARC-EP (Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple) ont signé l’accord de paix de La Havane pour mettre fin au conflit armé. Le peuple colombien et le monde entier ont célébré cet important pas en avant vers la paix et la réconciliation.

Carlos Julio Medina Vargas travaille avec l’organisation non gouvernementale Mouvement social des personnes handicapées en Colombie (acronyme en espagnol Mosodic) pour promouvoir l’intégration sociale des populations déplacées, des victimes du conflit, des minorités ethniques et des ex-combattants handicapés. Après avoir reçu des menaces de mort, il a déposé plainte auprès du parquet de Santander del Quilchao (Département de Cauca) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Colombie. Cette année, 123 dirigeants sociaux ont été assassinés en Colombie d’après un rapport publié par le collectif juridique Jose Alvear Restrepo.

Les conflits armés sont à l’origine de nombreux handicaps: les blessures sont causées par les combats, les mines antipersonnel et les munitions de guerre non explosées. Les personnes handicapées comptent parmi les personnes les plus touchées par les conflits. Les taux élevés d’incapacité permanente et grave ont un impact sur la réactivation des communautés, le processus de maintien de la paix, la gouvernance et l’administration des ressources. Cela met au défi les familles, les communautés et les agences gouvernementales qui aident les victimes et les combattants à se réinsérer.

En avril 2018, je me suis rendue en Colombie pour investiguer aux côtés d’une université colombienne de premier plan sur la réinsertion des ex-combattants handicapés dans leurs communautés. Il ressort de cette investigation que les personnes handicapées en Colombie sont confrontées à de nombreux défis liés à la négligence, à la violence, à la discrimination et à une faible participation politique. Ces problèmes sont exacerbés pour les ex-combattants handicapés: nous avons constaté que les ex-combattants handicapés des FARC-EP étaient exclus du processus de réintégration et que les anciens combattants de l’armée colombienne handicapés étaient victimes de discrimination, de harcèlement et d’intimidations.

Les discours post-conflit sur le handicap considèrent les personnes handicapées soit comme des héros envers lesquels la société est redevable, soit comme des personnes enclines à la violence dont on a à la fois peur et pitié, soit comme des victimes devant faire l’objet de charité. Aucun de ces discours n’offre aux personnes handicapées une représentation équitable et digne. Le travail de Carlos Julio et d’autres activistes handicapés est crucial non seulement pour changer les attitudes envers les personnes handicapées en général, mais également pour la consolidation de la paix et le renforcement de l’application de normes internationales telles que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).

La guerre continue de marquer notre histoire, mettant au jour de nombreux problèmes sociaux non résolus. La Colombie a été affectée pour un demi-siècle de conflit armé interne entre le gouvernement et plusieurs groupes de guérilla. Ce conflit de longue durée montre que les personnes handicapées continuent à faire face à la violence, à la négligence et à la discrimination, et que les handicaps causés par le conflit ont des conséquences sociales et politiques profondes qui mettent en danger la construction de la paix. Selon les Nations Unies, le nombre de personnes touchées par des crises humanitaires et des conflits a presque doublé au cours des dix dernières années et devrait continuer à augmenter. La voix des personnes handicapées qui travaillent pour que leurs droits soient respectés est également menacée.

* Collaboratrice scientifique à la faculté de médecine de l’université de Genève.

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