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Marielle Franco, crime politique

Marielle Franco, crime politique
Marielle Franco en 2016. MIDIA NINJA
Brésil

Le ministre brésilien de la Sécurité publique, Raul Jungmann, a confirmé vendredi ce que beaucoup soupçonnaient: des hommes politiques locaux sont impliqués dans l’assassinat, le 14 mars dernier, de la militante féministe Marielle Franco à Rio de Janeiro. Le responsable n’a voulu donner aucun nom, mais la presse locale et certains élus ont désigné trois députés locaux de l’Etat de Rio de Janeiro, tous appartenant au parti du président conservateur, Michel Temer, le MDB (Mouvement démocratique brésilien). Les trois élus sont actuellement détenus pour leur rôle dans un vaste réseau de corruption dans les transports.

Auraient-ils voulu se venger de Marielle Franco et de son parti, le PSOL (Parti socialiste et liberté), qui avaient dévoilé ces affaires et les turpitudes des trois élus? Les spéculations vont bon train dans la presse brésilienne. Ou alors l’assassinat de la conseillère municipale aurait-il eu pour but d’intimider les militants progressistes de Rio et d’ailleurs, dans l’objectif de mettre fin à la contestation de la militarisation meurtrière des favelas? Marielle Franco constituait en effet une cible idéale pour les secteurs de l’oligarchie traditionaliste brésilienne: féministe, socialiste, noire, lesbienne, issue et restée proche des milieux populaires! Tout ce qui est honni par une classe sociale ultraconservatrice, souvent raciste et d’obédience évangélique, qui a le vent en poupe depuis l’éviction contestée de la présidente Dilma Roussef, du Parti des travailleurs, en 2016.

Depuis lors, la violence à l’encontre des activistes est montée en flèche, surtout parmi ceux qui se mobilisent pour l’accès à la terre, dont la propriété est très fortement concentrée au Brésil: selon la Commission pastorale de la terre (CPT), 70 militants ont été abattus en 2017, dont 52 en lien avec des conflits fonciers.

Les agressions physiques touchant des élus de premier plan, elles, seraient plutôt inédites au Brésil, a contrario de ce qui se passe en Colombie et au Mexique. L’assassinat de Marielle Franco et les tirs à balles réelles essuyés par la caravane de l’ancien président Lula, en campagne dans le pays en mars dernier, laissent craindre le pire pour l’avenir.

Après avoir démis de ses fonctions Dilma Rousseff pour une argutie comptable et emprisonné Lula sans preuves, la droite dure ne semble plus connaître de limites. Les élections présidentielles des 7 et 28 octobre prochains permettront-elles de balayer ce sombre horizon violent et rétrograde? Rien n’est moins sûr. Il est peu probable que la justice, souvent aux ordres, permette au combattant historique du Parti du travail, donné favori dans les sondages, de rester candidat depuis sa cellule de Curitiba. Et aucun prétendant décent ne semble à ce jour en mesure de réunir une majorité des suffrages. Au contraire, Jair Bolsorano, député d’extrême droite, arriverait même en tête. Mais à deux mois du scrutin, un sursaut est toujours possible.

 

 

International Christophe Koessler Brésil

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