Édito

Israël, la fuite en avant

Israël, la fuite en avant
Les députés arabes protestent contre la nouvelle loi, ce jeudi à la Knesset. KEYSTONE
Israël 

L’apartheid est en train d’être institutionnalisé en Israël. Dans la nuit de mercredi à jeudi, par seulement 62 voix contre 55, son Parlement a voté la loi controversée sur l’Etat-Nation. Elle stipule qu’Israël est un Etat juif avant tout et que «la réalisation du droit à l’autodétermination en Israël est réservée au peuple juif». Aussi,  la seule langue nationale reconnue est désormais l’hébreu, précise le texte.

Cela vient confirmer légalement un état de fait qui existe aujourd’hui, reléguant les quelque 1,7 million d’Arabes palestiniens d’Israël à des citoyens de seconde zone, privés de nombreux droits réservés aux personnes de confession juive, que ce soit en matière d’accès aux terres, à des emplois, à des logements subventionnés, à de meilleurs salaires, etc. Une situation inconcevable dans tout autre Etat moderne et démocratique qu’Israël, octroyant des droits spéciaux à des citoyens en fonction de leur religion ou de leur origine.

La nouvelle législation – qui devient l’une des lois fondamentales de l’Etat, Israël ne disposant pas de Constitution – pourrait être utilisée pour étendre ces pratiques, craignent certains députés arabes de la Knesset. Ces derniers n’ont pas hésité à déchirer le nouveau texte en signe de désapprobation, et à le qualifier eux-mêmes de loi d’apartheid en plein hémicycle. «Le droit international interdit pourtant l’apartheid, qui est un crime», a rappelé l’ONG Adalah (Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël).

Mais ce vote va encore beaucoup plus loin. D’une part, il légalise et encourage les colonies en Cisjordanie occupée: «L’Etat considère d’intérêt national le développement de colonies juives et agira pour encourager et promouvoir leur établissement et leur consolidation», stipule la loi. Là aussi, il consacre la pratique en vigueur et lui donne une légalité, en violation du droit international. D’autre part, la nouvelle législation valide également l’annexion de fait de Jérusalem-Est, condamnée par la quasi-totalité des Etats de ce monde. La décision du président Donald Trump de transférer la nouvelle ambassade des Etats-Unis à Jérusalem et de reconnaître cette ville comme capitale d’Israël a visiblement donné des ailes à la majorité parlementaire de ce pays.

Cette fuite en avant a le mérite de la clarté. La ségrégation et la colonisation sont désormais assumées à la lumière du jour. Il devient de moins en moins crédible pour la communauté internationale de se gargariser de «processus de paix» et de «solution à deux Etats»… Israël n’en veut pas et le fait savoir. C’est l’annexion qu’elle met en œuvre.

 

 

Opinions Édito Christophe Koessler Israël 

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