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Une histoire de regards

Une histoire de regards 1
Décod'image

Voici des visages comme nous en voyons constamment sans plus vraiment y prêter attention. Pourtant, ces portraits nous offrent une occasion de saisir des rouages clés de notre société, tout en explorant nos fonctionnements personnels. Car même si nous n’achetons pas ces produits et rejetons cette esthétique étroite, nous ingurgitons quotidiennement ces canons de séduction, qui teintent nos penchants à notre insu. Jouons au «décod’image»: combien de clichés relevez-vous? Les professionnel-le-s peinent à en faire une liste exhaustive, alors nul besoin de vous complexer.

Une histoire de regards

Les icônes commerciales nous répètent que la beauté des femmes passe par une peau hyper lisse, claire et sans grain, tandis que la séduction des hommes se traduit par un air sombre et sérieux. Quand la couleur coûtait cher, les marques l’utilisaient pour l’homme comme pour la femme. Puis le noir-blanc a progressivement servi à souligner le caractère trempé du masculin. Des yeux bleus ou verts apparaissent fréquemment chez les femmes de la cosmétique, bien que cela contredise les yeux bruns de la majorité de l’espèce humaine. Enfin, que se passe-t-il avec les sourcils et le dessous de l’œil?

De nombreux cosmétiques et produits de beauté nous présentent des yeux féminins sans pli ni protubérance aucune en dessous, chose impossible même pour un bébé. Le sourcil féminin est haut placé, contrastant avec la broussaille masculine. Si on compare avec la variété des traits humains, on constate très vite que la Nature ne nous a pas distingués de manière aussi caricaturale. Les formes de visage et de sourcils, les nuances de peau et de nez ne varient pas en fonction du sexe de la personne comme la pub finit par nous le faire croire. De plus, les yeux des personnages dans l’art occidental suivaient d’autres codes de représentation et les lèvres étaient nettement plus fines que ce qui est à la mode actuellement.

Nombre de jeunes filles, mécontentes de leur profil, relèvent la finesse des nez des mannequins et l’aspect plus large de cet appendice chez l’homme des pubs. Suivant nos sensibilités, nous relevons donc des éléments différents sur ces images. Nos façons de voir ou de regarder nous révèlent dès lors autant sur nos fractures intimes que sur les obsessions répandues dans notre société. Alors, à la semaine prochaine pour une nouvelle incursion au pays du «décod’image».

* Médiatrice socioculturelle et responsable de projets à la fondation images et société, www.imagesetsociete.org

Opinions Chroniques Eva Saro

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mardi 3 juillet 2018

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