Débat impossible
Je ne suis pas climatologue. Mais simple citoyen, extrêmement sensible à l’avenir de la planète. La thèse de l’héliocentrisme ne suscite plus de contestation depuis longtemps. Il n’en va pas de même en matière de réchauffement climatique. Nul aujourd’hui, malheureusement, n’est apte à dire le vrai absolu à ce su-jet, qui s’inscrit dans une diachronie large, laquelle se chiffre en siècles, millénaires, voire plus. Qu’on le veuille ou non, les thèses s’affrontent, les expertises se contredisent. Selon le GIEC (Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) lui-même, le lien entre réchauffement et CO2 est «certain» à 90% (bas de l’article). Mettons que cela tienne vraiment. Il reste donc 10% d’inconnu, non?
Constat affligeant : en ce domaine, pourtant, la vérité semble avoir été établie. Le détenteur en serait précisément le GIEC, les dissidents – traîtres, suppôts corrompus des industriels de l’or fossile – devraient se taire ou retourner leur veste. Cette position n’est pas acceptable. Qui plus est, elle est dangereuse. Elle détruit les conditions même du débat démocratique (auquel l’Union du corps enseignant secondaire genevois –UCESG (est fort attachée, je crois) et celles de l’analyse scientifique (à poursuivre toujours) et elle s’assied sur les libertés de pensée et d’expression. Sous cette bannière, on discrimine, on accuse, on «ana-thémise» à tour de bras. C’est là le propre des Eglises jeunes, alignées derrière le dogme, de celles qui savent choyer les hérétiques. Pour calmer la petite armée de gens raides dans les bottes de leurs certitudes, on ajoutera: «Il est urgent de savoir dire: ‘scientifiquement, on ne sait pas’. Aujourd’hui je ne dis pas que je doute de la responsabilité humaine (en matière de réchauffement), je dis qu’il n’y a pas de preuve de cette responsabilité. C’est un fait, pas une opinion.» (Serge Galam, physicien français, directeur de recherche au CNRS). Mais voilà, les dévots du réchauffement scandent «Maudit CO2» du matin au soir. A les entendre, nous en mourrons tous. En attendant, réfléchissons encore un peu.
Des pays à la puissance montante ont pris le parti d’exploiter toutes les ressources fossiles disponibles chez eux ou chez leurs voisins, au nom, entre autres, d’une volonté de développement. Fait extrêmement contrariant, ces ressources surabondent. Qui ira leur dire de tout arrêter illico? Qui signifiera à des centai-nes de millions de pauvres qu’ils préparent la mort de la planète alors que notre prospérité matérielle re-pose sur les progrès techniques mirobolants (aux retombées parfois très problématiques) accomplis depuis le début de la révolution industrielle, dévoreuse de charbon puis de pétrole?
L’école républicaine porte très haut la liberté de pensée. Nul doute, dès lors, que le DFJ (Département de la formation et de la jeunesse), qui en est le garant et promeut chez les élèves le développement de l’esprit critique, ne tardera pas à réagir pour remettre les censeurs à leur place. Alors seulement, comme il l’annonce dans votre article, il aura tiré l’affaire au clair.
Alain Jacquemoud, ancien doyen au Collège Calvin, Carouge (GE)