Édito

Service civil: trop d’utilité tue l’utilité

Service civil: trop d’utilité tue l’utilité
Seulement 8% des jeunes de 30 ans en astreinte effectuent du service civil. KEYSTONE
Armée

«Il y a deux stratégies: la bonne et puis celle de l’armée», dit un dicton populaire rarement démenti. Curieux de voir comme le bon sens semble se figer lorsqu’il est question de la chose militaire. Dernière trouvaille en date: durcir l’accès au service civil pour soigner le vague-à-l’âme de nos têtes galonnées.

Le Conseil fédéral vient de mettre en consultation un train de sept mesures dont le but unique est de garantir sur le long terme les effectifs de l’armée. Car le service civil a un défaut: il est jugé trop attractif pour les jeunes. Du coup, la chair à canon, pardon, le nombre de recrues diminue. Qu’à cela ne tienne. «Yaka» les brimer un peu, ces bleu-bites de civilistes, tout rentrera dans l’ordre et on pourra de nouveau faire crapahuter du troufion.

Les mesures dévoilées mercredi rendront plus difficile l’accès au service civil et/ou le rallongeront. Tant pis si cela ne sert à rien. Certes, le nombre de civilistes est passé de 4670 en 2011 à 6785 en 2017, mais le gros des troupes se fait réformer. Selon les Verts, 40% des jeunes de 30 ans en astreinte font leur armée et 8% du service civil. Une majorité de 52% ne réalise ni l’un ni l’autre.

Au-delà de la violation manifeste du droit à l’objection de conscience, il a semblé urgent de taper sur la petite minorité qui donne de son temps pour des tâches utiles, souvent plus nécessaires que certaines missions militaires. On peut prendre le pari que les personnes à qui le service civil sera rendu plus difficile d’accès vont laisser au vestiaire leur altruisme et leur envie de servir et avoir recours au certificat médical.

Une certaine confusion est à l’œuvre. Au lieu de s’interroger sur son utilité et son fonctionnement, l’armée a recours à la bonne vieille intimidation. Elle pourrait se poser la question sur ses rapports avec l’économie – devoir accomplir des cours de répétition est devenu rédhibitoire pour certains patrons – et sur son rôle formateur. Les exemples de gens qui ont trouvé leur voie grâce au service civil sont plus nombreux que les vocations révélées lors du tir au canon et autres marches forcées.

On en est encore pour l’heure qu’au niveau de la consultation. La Fédération suisse du service civil brandit d’ores et déjà la menace d’un possible référendum. Il est paradoxal que depuis trente ans – à dater de l’initiative de 1989 du Groupe pour une Suisse sans armée – ce sont les milieux pacifistes qui doivent réorienter l’institution de la défense vers un minimum de bon sens.

Opinions Édito Philippe Bach Armée Service civil

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