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Duett, le choc au Sénat

L'Impoligraphe

A la Migros, on vend du choc «Duett». Très bon, d’ailleurs<FN>Pub gratuite. La Migros peut toujours envoyer des bons cumulus (ou des plaques de choc Duett) au Courrier: c’est bientôt le dernier quotidien romand et il faut soutenir les derniers bastions de la presse écrite et leurs journalistes.</FN>. Une couche de choc noir, une couche de choc au café. Si vous aimez moins l’un que l’autre, l’un vous fera passer l’autre. Vous vous en foutez, du chocolat Duett de la Migros? Vous avez tort. Parce que c’est devenu un modèle de construction de projets politiques.

Doivent acheter leur choc à la Migros nos sénateurs. Le Conseil des Etats a massivement (par 34 voix contre 5) approuvé le lancement du Duett AVS/PF17 (de son nom complet «loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS», mais on attend un acronyme): une couche de réforme de l’imposition des entreprises devant plaire à la droite (on baisse cette imposition), une couche de soutien à l’AVS (chaque franc perdu par les caisses publiques à cause de la couche fiscale sera versé à l’AVS) devant plaire à la gauche.

Les précédents produits du même genre, mais en version séparée, avaient été un bide: le peuple avait refusé la réforme de l’imposition des entreprise dite RIE III et refusé celle de l’AVS. On a donc confectionné une friandise qui, en additionnant une réforme fiscale et un financement social, doit être consommable par une majorité. On ne lui demande même pas de susciter la gourmandise, à cette friandise, on ne lui demande que d’être bouffable à la fois par les syndicats et le patronat, le PLR et le PS.

L’UDC? – on fait une croix dessus. Le PBD, les Verts libéraux et la gauche de la gauche? – on s’en fout. On se contentera de l’accord du PS, du PLR, du PDC, d’EconomieSuisse et de l’Union syndicale. Et on promet aux uns que le Duett AVS/PF17 est un remède contre le report de l’âge de la retraite des femmes (sauf que l’UDC a tout de même annoncé qu’elle allait le reproposer, et que le PLR s’est contenté d’annoncer qu’il ne le reproposera pas tout de suite), et aux autres qu’il est un calmant des velléités référendaires de la gauche. On verse un franc à l’AVS pour un franc dont on a fait cadeau aux entreprises? et si on proposait, nous, que pour un franc dépensé dans l’achat de nouveaux avions de combat, un franc de subvention soit versé au GSsA, on nous répondrait quoi? Sans doute qu’il faut nous faire soigner d’urgence…

De mauvais coucheurs (toujours les mêmes, des récidivistes connus de nos services) renâclent, qui rappellent qu’il y a quelque part dans la constitution fédérale une obligation faite à la Confédération d’assurer aux retraités des rentes suffisantes à la couverture de leurs besoins vitaux, mais qu’il n’y a nulle part dans la constitution fédérale une possibilité de soumettre cette obligation à un marchandage avec les partisans d’une baisse maximale de l’imposition des multinationales. Et que la promesse d’une partie de la droite de renoncer à reporter l’âge de la retraite des femmes n’engage que ceux qui veulent bien y croire. Et que c’est bien gentil de proposer que les 2 milliards (ou plus) perdus par les caisses publiques à cause de la baisse de l’imposition des entreprises seront compensés par un soutien équivalent à l’AVS, mais les caisses publiques, elles, elles les auront perdus quand même, ces 2 milliards. Ces quelques détails insignifiants sont ceux qui convainquent les syndicats genevois, la Jeunesse socialiste, solidaritéS, le Parti du travail, de refuser le compromis du Conseil des Etats.
Ils aiment pas le chocolat Duett, les syndicalistes genevois, les jeunes socialistes et les gauchistes de la gauche?

* Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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