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Donner de meilleures chances aux jeunes réfugiés

Avec les grands flux migratoires de 2015, le nombre de jeunes réfugiés ou admis à titre provisoire a beaucoup augmenté. Si ces personnes ne peuvent fréquenter l’école ou une formation, elles ont très peu de chances de mener une vie autonome en Suisse. La Confédération et les cantons ont lancé un Agenda Intégration pour favoriser l’intégration professionnelle. Tout en saluant les efforts entrepris, Caritas relève les lacunes du processus et les points urgents à prendre en compte.
Intégration

Fin décembre 2017, vivaient en Suisse presque 30 000 jeunes et jeunes adultes âgés de 16 à 30 ans au bénéfice du statut de réfugié ou de personne admise à titre provisoire, ainsi que 12 000 jeunes de la même tranche d’âge ayant un statut N de requérants d’asile. Ces personnes viennent essentiellement de pays ravagés par la guerre civile, la violence ou un régime dictatorial, comme l’Erythrée, l’Afghanistan, la Syrie, la Somalie ou l’Irak. Les jeunes qui arrivent apportent avec eux des expériences scolaires et des compétences professionnelles très diverses. S’ils ne peuvent pas fréquenter l’école ou une formation en Suisse, la plupart ont très peu de chances de pouvoir mener une vie autonome. Les plus de 16 ans n’ont plus accès au système scolaire. Ne leur sont ouvertes que des structures d’intégration lacunaires ne leur permettant pas de terminer une formation ou d’apprendre un métier.

La Confédération et les cantons ont désormais lancé un Agenda Intégration. La Confédération va accroître sa contribution financière aux cantons et l’intégration sera à l’avenir conçue comme un processus de gestion en continu des situations, commençant dès que possible à l’arrivée des personnes en Suisse. Caritas se félicite vivement de cette réorientation et de l’affectation de moyens financiers accrus de la Confédération. Un état des lieux de la politique suisse en matière d’intégration a en effet montré que les efforts déployés jusqu’ici n’étaient souvent pas suffisamment axés sur les besoins effectifs, et bien trop sur la disponibilité des moyens qui y sont affectés. Caritas pointe les lacunes et les points urgents à prendre en compte pour la mise en œuvre de l’Agenda Intégration.

• L’éducation jusqu’au niveau de l’école obligatoire n’est pas mentionnée. Tous les enfants vivant en Suisse doivent obligatoirement fréquenter l’école. Ce n’est qu’après la scolarité obligatoire que des voies de formation professionnelle s’ouvrent à eux. Mais pour les réfugiés de plus de 16 ans, il n’y a plus d’offre de scolarisation. Si l’on examine les concepts de préapprentissage et des formations pilotes de la Confédération et des cantons, on peut supposer que les places de préapprentissage, de passerelles et de stages, dont le nombre reste limité, bénéficieront essentiellement à celles et ceux qui auront préalablement suivi la scolarité obligatoire nécessaire. L’écart avec celles et ceux qui n’en ont pas suivi sera donc encore plus important, et les chances de ces derniers d’apprendre une profession seront réduites d’autant. La Confédération et les cantons doivent donc développer des stratégies permettant de garantir que tous les adolescents et jeunes adultes du domaine de l’asile âgés de 16 à 30 ans puissent atteindre ce niveau. Les modules correspondants doivent être adaptés aux adultes. Ils doivent notamment être accessibles aux jeunes femmes qui ont des enfants.

• Augmenter l’offre d’intégration au lieu de faire des économies. Désormais, la Confédération va augmenter le forfait unique d’intégration à 18 000 francs. Cette hausse est absolument nécessaire. En effet, les 6000 francs actuellement octroyés aux personnes bénéficiant du statut de réfugié financent à peine des cours de langues jusqu’à obtention d’un certain niveau. La pusillanimité de la Confédération a souvent eu pour conséquence une offre d’intégration très disparate et de qualité inégale selon les cantons. Les cantons qui ont entrepris beaucoup risquent de considérer l’augmentation comme une simple compensation pour ce qu’ils ont déjà fait. Il s’agit au contraire d’étoffer l’offre d’intégration. La Confédération doit assortir son forfait d’intégration d’objectifs et de mesures concrètes et les cantons doivent utiliser cet argent pour augmenter et adapter la qualité de leurs offres d’intégration en fonction des besoins. Les cantons ne doivent en aucun cas employer les fonds accrus de la Confédération pour faire baisser leurs coûts d’intégration et comprimer leurs dépenses.

Pour réussir l’intégration professionnelle, il faut que certaines conditions-cadres soient mises en place. Le statut de personne admise à titre provisoire empêche les personnes de trouver un logement, une place d’apprentissage ou un emploi. Ni les employeurs ni les propriétaires ne sont prêts à proposer un emploi ou un logement à long terme à des personnes dont le statut est «provisoire». Il y a de ce fait lieu de remplacer le statut à titre provisoire par un statut de protection qui offre les mêmes droits que celui de réfugié.

* Responsable du Secteur Etudes et des questions de politique migratoire, Caritas Suisse.
Lire aussi la prise de position de Caritas «Meilleures chances d’intégration pour les jeunes réfugiés», caritas.ch/prises-de-position

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