De nombreux mouvement sociaux et politiques ont agité la planète il y a cinquante ans. La révolte française de mai 1968 a cependant laissé une profonde empreinte. Idéalisé ou vilipendé, son héritage continue d’être discuté.

Mai 68 est souvent remémoré, à gauche, comme une révolution manquée. Certes, ce ne fut pas le Grand Soir. Malgré un mouvement de lutte déterminé et de grande amplitude, le pouvoir a rapidement repris le couteau par le manche. Mais ces événements n’en ont pas moins marqué un point de rupture dans les rapports sociaux. Ils ont bouleversé le vieil ordre conservateur et fissuré les multiples mécanismes de domination sur lesquels il s’appuyait.

L’éruption de la révolte qui couvait et le sentiment que les utopies devenaient tout à coup possibles ont politisé une génération, suscité des nombreuses vocations militantes et fait germer des graines de luttes. Mai 68 a en effet légitimé les revendications pour obtenir des droits. Il a aussi servi de détonateur à de nouveaux mouvements de résistance au modèle capitaliste dominant et a encouragé la réalisation de projets de vie alternatifs.

Face à cette réalité, le système a longtemps tenté de délégitimer Mai 68, en le présentant comme l’éclosion de l’individualisme. Au contraire: il a été le résultat d’une formidable convergence des luttes, principalement quand le mouvement ouvrier s’est joint à la révolte étudiante à travers une grève générale. Des revendications sociétales, culturelles, politiques, syndicales, économiques et sociales se sont alors additionnées.

Puis le soufflé est retombé. Mais nombre des acteurs de la révolte ont poursuivi la lutte. De manière moins visible, mais par un engagement quotidien. En développant un important tissu associatif et militant.

A l’heure des commémorations, la tendance est à la muséification. Nous devons au contraire maintenir vivants les enseignements de Mai 68. Car s’il a été ébranlé, le pouvoir libéral-conservateur reste extraordinairement puissant, et dévastateur pour les plus faibles. Il ne faut jamais oublier qu’on a toujours raison de se rebeller contre un système injuste. Que les idéaux de liberté, de solidarité et de progrès social et sociétal ne doivent pas fléchir sous les coups de boutoir. Et qu’il est plus que jamais nécessaire de se battre pour les concrétiser.

Les fronts ne manquent pas. L’urgence écologique, la lame de fond ultralibérale qui attaque les acquis sociaux, la politique migratoire inhumaine de nos gouvernements, les rapports de classes et de genre inégaux, ou encore la domination persistante des grandes puissances et de leurs entreprises sur les autres pays et populations ne sont que quelques-unes des multiples raisons pour continuer à se révolter.